Témoignage

M. Alain DELANNOY
retraité, naturaliste et conservateur bénévole d'espaces naturels

Vidéo


Afficher la vidéo en basse définition pour les connexions bas débit

Piste audio

Transcription

Cliquez ici pour afficher / masquer le texte

[00:12]
Je m'appelle Alain DELANNOY, je suis actuellement en retraite après 43 ans de bons et loyaux services dans l'industrie, et notamment l'informatique, mais j'ai toujours eu depuis ma naissance, depuis mon jeune âge, une passion particulière pour la nature. Donc arrivé en retraite, je m'y suis disons beaucoup plus consacré, et étant normand depuis maintenant une quarantaine d'années, j'ai élu domicile dans un endroit assez varié et assez riche en biodiversité, ce qui m'a incité à continuer à travailler notamment et principalement au départ sur les champignons. Etant très proche de l'Eure, je me suis d'abord intéressé au massif forestier de la forêt de Bord, que j'ai étudié en long en large pendant presque trente ans et j'y ai fait un inventaire important de la fonge locale. Ensuite, il y a des lieux comme, toujours dans l'Eure, qui s'appelle la Marasse, des lieux humides très intéressants, donc je m'y suis aussi intéressé et depuis quelques années nous avons créé une structure qui est installé à Martot et qui s'occupe et qui gère les Automnales du château de Martot, dont on a fêté cette année la septième saison. D'autre part je suis aussi conservateur bénévole au sein du Conservatoire d'espaces naturels de Haute-Normandie et je m'occupe d'un site qui est situé sur la commune de Saint-Didier-des-Bois, cela depuis huit ans. Donc... j'ai entrepris un inventaire du monde du vivant, tout ce que je trouve de vivant, mais c'est un inventaire photographique, sérieux dans le sens où toutes les espèces que j'ai pu regarder, surveiller, filmer et photographier ont été déterminées soit par moi-même et vérifiées par des gens compétents, soit déterminées par des gens compétents, en France et même à l'étranger. Je suis en relation avec un spécialiste roumain qui s'occupe principalement des papillons nocturnes. Cet inventaire que je mène est aussi consigné dans un fichier que j'ai créé, où chaque observation est notée avec le nom de l'espèce, avec quelques indications concernant sa taille et son biotope, et ce qui est important, c'est que chaque espèce a été photographiée, identifiée, donc ça fait partie d'un patrimoine local très important. J'en suis actuellement à environ 1600 données photographiées. [03:07] Je note les observations concernant les espèces vivantes, et j'ai un autre fichier concernant les champignons et les lichens. Donc chaque espèce est répertoriée sous son nom d'espèce en latin, puisque c'est une façon importante de pouvoir vérifier et de pouvoir contrôler. On a l'ordre, la famille, un commentaire et à chaque fois qu'il y a un X dans cette colonne ça veut dire qu'il y a une photo. Donc il suffit que je clique sur cette colonne pour avoir l'espèce qui apparaît. Donc la plupart du temps ce sont des prises de vues in situ, c'est-à-dire sur le vivant, mais pour certaines espèces c'est relativement compliqué d'avoir les détails nécessaires pour la détermination, donc il faut soit plusieurs images, soit je capture momentanément le spécimen, je le calme un petit quart d'heure dans le frigidaire et ensuite je le photographie sous plusieurs angles pour être sûr de la détermination. C'est le cas principalement pour les insectes, les mouches et les hyménoptères.

[04:31]
Faune et flore de la Seine

Donc nous sommes ici à la limite de Martot, au confluent de la Seine et de l'Eure, la Seine qui est un fleuve qui s'est grandement amélioré et qui a son sein une faune très importante, aussi bien au niveau poissons que coquillages. En termes de coquillages, on trouve des espèces typiquement locales, des endémiques enfin des espèces qui ont toujours vécu en Seine, comme le nérite du fleuve par exemple. Mais on trouve aussi des espèces importées, depuis soit un certain nombre d'années, soit très récemment. On peut parler d'une espèce qui est très très présente ici, qui est la palourde asiatique, qui d'origine comme son nom l'indique du Sud-Est asiatique, et qui est arrivée ici transportée par des bateaux, par des péniches, etc. et qui s'est bien développée et qui est pratiquement l'espèce la plus commune localement. Donc elle remplace effectivement une niche écologique existante, mais elle a aussi son importance sur la filtration de l'eau, puisque les palourdes, les moules, les huîtres, etc. sont des animaux filtreurs, donc ils ont leur importance aussi sur la purification de l'eau. On trouve aussi une petite moule qui est la moule zébrée, qui est d'origine des alentours de la mer Caspienne et qui est arrivée ici et qui est très très présente et qui est même un gros problème puisque elle s'agglutine régulièrement sur des sorties d'eau, sur des turbines, etc. et elle finit par les colmater. Il y a une chose aussi, c'est que ces mollusques n'ont pratiquement pas de prédateur (sauf pour la palourde asiatique, il y a le rat musqué et le ragondin mais qui sont aussi des animaux je dirais qui n'ont rien à faire ici) donc ça se développe de façon anarchique. [06:44] La palourde asiatique, la voilà. Donc c'est une espèce qui vit de 3 à 4 ans, pas plus, et qui atteint environ 23mm de long, qui est très consommée en Asie, et qui se développe de façon importante ici. La palourde asiatique, qui est caractérisé, lorsqu'elle est fraîche, par l'intérieur qui est bleu-violet. [07:23] Donc voilà la moule zébrée. Donc c'est une très petite moule qui dépasse rarement 3 à 4cm de long et qui est originaire des environs de la mer Caspienne, donc des pays de l'Est. [07:45] La paludine, qui est un mollusque aquatique très particulier, puisque en fait il est vivipare, c'est-à-dire que les œufs une fois fécondés sont conservés par la femelle jusqu'à la naissance des petits qu'elle conservera jusqu'à leur développement et un certain âge avant de les relâcher. C'est quand même assez exceptionnel, et ça c'est une espèce autochtone, c'est-à-dire qu'elle est d'origine locale. Il y a une autre petite espèce mais qui est beaucoup plus discrète, qui est la nérite du fleuve, qui est aussi une espèce locale, mais là il faut la chercher parce qu'elle dépasse rarement les 10mm et c'est assez difficile à trouver. On pourra la chercher on pourra la trouver sans aucun problème mais il faut être patient. [08:37] Un tout petit coquillage, mais qui a des décorations très surprenantes et très jolies. Ça fait comme un damier. Elle peut être rouge, elle peut être noire, elle peut être verte. Et ça, c'est un mollusque naturel, qui est issu de la Seine et qui a son origine ici. L'eau de la Seine est très calcaire, donc elle arrive à momifier les coquillages au fur et à mesure que le calcaire se dépose.Donc là c'est un coquillage qui est en train de se transformer, au même titre que ceux-là, et qui va se fossiliser au fur et à mesure du temps. [09:30] Là on a un autre coquillage aussi qui est tout à fait classique ici, c'est les moules de rivière. L'amulette du peintre, parce que c'est des coquillages qui sont en fait très creux, et les peintres les utilisaient pour mettre leur peinture, donc on appelle ça l'amulette du peintre. Ça, c'est une moule classique de Seine et de nos rivières. [10:01] Alors, la fluctuation de la marée ici est de l'ordre de 6 mètres, donc on voit très très bien quand on regarde par là, entre le niveau bas et le niveau haut on a quand même une certaine surface. Et l'apport des marées aussi a une incidence sur l'écologie, puisqu'il y a beaucoup de plantes qui sont apportées par la marée qui se développent et qui sont pour la plupart des plantes qui ne sont pas indigènes, qui sont apportées et qui deviennent parfois invasives C'est le cas de la renouée du Japon par exemple, qui est transportée par le fleuve, qui se dépose et qui se développe. Donc il y a aussi un impact de ce côté-là. Il y a aussi un impact très important sur les oiseaux, puisque la partie qui est libérée par l'eau à marée basse, c'est aussi des réserves de nourriture pour les oiseaux. Donc ça aussi c'est un côté très important. [11:05] Alors concernant le fleuve Seine, j'ai été pêcheur à une certaine époque, c'est aussi effectivement un lieu où les poissons vivent, et il faut savoir que les derniers pêcheurs de Seine pratiquaient leur travail encore en 1947. Et aujourd'hui il n'y a plus personne qui pratique ces techniques. Et en 1949 a été pêché non loin de là le dernier esturgeon. Donc, concernant la population aquatique de la Seine, en 1990 on comptait, on inventoriait, environ quatorze espèces de poissons en Seine, aujourd'hui on en est arrivé à trente-deux, ce qui est quand même très intéressant. Et dernièrement, en 2010, il a été pêché un esturgeon à la Mailleraye qui faisait 22kg. Il mesurait 1m55. Et c'était une femelle et elle était pleine d’œufs. Ceci est encourageant dans le sens où si l'être humain s'aperçoit qu'en régulant ses pollutions, etc., la nature reprendra ses droits, ça c'est évident. En l'espace de... depuis 1990, passer de quatorze espèces à trente-deux, c'est quand même très encourageant. Donc on peut être optimiste sur la suite et sur ce qui va se passer si l'être humain régule un petit peu son activité. 12:42 Et ce qui est important, ce que je disais tout à l'heure, c'est que l'Homme qui a pris conscience qu'il fallait arrêter de polluer ces fleuves et ces rivières, en l'espace d'une vingtaine d'années, on constate une évolution nette. Très nette. C'est positif. On regrette pourtant de voir les tas de détritus qui sont charriés par ce fleuve, c'est regrettable, mais moi ce que je constate depuis près de quarante ans que je suis ici, la Seine s'est apurée, l'eau est devenue beaucoup plus claire. Bon on n'est pas encore au temps où il y avait des piscines dans la Seine et où on pouvait se baigner, mais on évolue vers cet état, ce qui est encourageant. Encourageant pour ce qu'on est en train de vivre actuellement, qui nous pose beaucoup de questions, concernant les dérèglements climatiques. L'Homme a sa part de responsabilité, il faut qu'il en prenne conscience et puis qu'il réagisse.

[13:58]
Vestiges archéologiques

Il y a quand même eu des études sur site, notamment par la Société archéologique d'Elbeuf, mais c'est quand même intéressant de voir qu'il y a eu de la vie en bord de Seine, ce qui était normal, préhistorique et du temps des gallo-romains. Ce n'est quand même pas rare... Avec un œil exercé on trouve en très peu de temps beaucoup de choses intéressantes. Là on voit que ce sont des os qui ont été manipulés par l'Homme, les hommes préhistoriques adoraient la moelle, donc ce sont des os brisés. Ce ne sont pas des os coupés. Ça prouve que ce sont des êtres humains qui ont manipulé ces animaux pour s'en nourrir. Il y en a encore là, ce n'est pas rare. Il n'y a pas besoin de beaucoup chercher pour en trouver. Alors en général, ce sont des os de cervidés, de chèvres, de ruminants, comme des os d'aurochs, ou alors de chevaux. Certainement de la chasse et de l'élevage. 15:45 Donc ça effectivement ça n'a strictement rien à voir avec ici, mais ce n'est pas du tout évident que ce soit contemporain, puisqu'il y avait non loin de là des villas gallo-romaines et on sait très bien que les romains étaient très très friands d'huîtres. Donc on retrouve sur ce lieu, le long des berges de Seine, énormément de coquilles d'huîtres. [16:11] J'ai aussi trouvé des silex taillés ici, donc du Néolithique. [16:34] Quelques spécimens récoltés depuis des années, ça va de restes d'animaux, comme des cornes, ça passe aussi par des vestiges de ce type : pipe en terre, poterie... Donc tout ça c'est transporté par la Seine. Des silex taillés, donc qui apportent la preuve qu'il y avait aussi des hommes préhistoriques le long de la Seine. Et puis des vestiges plus récents comme des vestiges comme celui-là, comme cette balle de mitrailleuse 12,7 et puis... beaucoup d'ossements, des restes de poteries aussi, et des fossiles qui sont transportés aussi, des oursins, qu'on retrouve le long des berges. Donc c'est assez varié, de quoi fouiller, de quoi chercher.

Mots-clés et témoignages associés

En cliquant sur un mot-clé, vous lancez une recherche de celui-ci dans le recueil.

Communes
Martot
Saint-Didier-des-Bois


Périodes
Néolithique
Période gallo-romaine
Seconde Guerre mondiale
Années 1950
Années 1970
1980 à nos jours


Thématiques
Archéologie
Développement durable
Eure
Faune
Flore
Guerre
Pêche
Qualité de l'eau


Voir aussi
Témoignage de Mme Anne-Sophie de BESSES, chargée de mission à l'agence régionale de l'environnement et présidente de l'association ATLEA (association du temps libre des enfants archépontains)

Témoignage de M. Philippe FAJON, archéologue au Service régional d'archéologie, Direction régionale des affaires culturelles de Normandie

Témoignage de M. Paul FERLIN, hydrobiologiste retraité, représentant de l'association France Nature Environnement

Témoignage de M. Gilles LABROUCHE, habitant de Poses, hydrobiologiste et ingénieur en environnement

Retour  en haut