Témoignage

M. Philippe FAJON
archéologue au Service régional d'archéologie, Direction régionale des affaires culturelles de Normandie

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[00:13]
Bonjour, on va essayer de faire un tour dans l'archéologie de la Communauté d'Agglomération Seine-Eure. Donc je suis Philippe FAJON, je suis archéologue, de formation préhistorien mais mais vous allez voir que je vais parfois bien loin de la Préhistoire. Je suis depuis maintenant assez longtemps, bientôt trente ans, archéologue au Service Régional de l'Archéologie donc à la Direction des affaires culturelles maintenant de Normandie, avant qui était en deux morceaux, Haute et Basse Normandie, maintenant une seule Normandie réunifiée donc un service unique, qui est à la fois sur Rouen et sur Caen, sous l'autorité du préfet, donc en charge de tout ce qui tourne autour de l'archéologie sur la région normande. Voilà pour le côté on va dire un petit peu institutionnel de mon activité. Le deuxième volet très important mon activité, c'est que comme je suis ingénieur, j'ai une activité de recherche au sein du ministère de la Culture, puisqu'il y a des corps de recherche au ministère de la Culture. Et par ce fait-là je suis aussi membre d'un laboratoire qui est à l'extérieur de la Normandie, qui est basé en région parisienne, qui dépend de l'université Paris I, de l'université de Nanterre, du CNRS et du ministère de la Culture et qui travaille beaucoup avec l'Institut national de recherches archéologiques préventives (l'INRAP), qu'on voit sur le terrain. Ce gros laboratoire qui s'appelle ArScAn, c'est une unité mixte de recherche, et je co-dirige dans ce laboratoire une équipe qui s'appelle "archéologie environnementale". Ce qui va tout de suite permettre pour moi de vous placer, de vous dire un petit peu ce qui est mon intérêt en archéologie, c'est de travailler sur la relation entre l'Homme et son environnement. Et qui fait mon moteur en fait, c'est de comprendre comment l'Homme intervient sur son environnement, comment il le modifie, et ce qui m'a fait aussi évoluer sur un point intéressant, c'est qu'à l'origine j'étais néolithicien, et aujourd'hui quand on me demande sur quelle période je travaille, je dis je ne travaille plus sur une période. En fait mon attachement chronologique, il est de l'apparition de l'Homme dans la région à aujourd'hui. Il est pour ce qu'on appelle aujourd'hui la longue durée. Pour plagier ce que disait Fernand Braudel, c'est la longue durée qui me motive, le temps T et le temps T+1 ne m'intéressent pas, ce qui m'intéresse c'est comment on est passé de l'un à l'autre. Et c'est comment, donc l'évolution, ce qu'on appelle les processus d'évolution, y compris donc l'évolution paysagère par exemple, qui est l'un de mes thèmes de recherche particuliers. Comment le paysage évolue dans la longue durée. Ça c’est l'une des composantes majeures de mon activité, et ce qui m'a amené à une troisième composante de mon activité. Donc on a parlé de la DRAC, le côté universitaire, relations avec les universités et le monde de la recherche, et la troisième composante de mon activité, c'est d'être aussi dans l'activité territoriale, en travaillant avec la Fédération des Parcs naturels et en étant (actuellement, c'est temporaire, ça peut évoluer) président du conseil scientifique du Parc naturel des boucles de la Seine Normande, donc un territoire à cheval sur les deux départements Seine-Maritime et Eure, et en ayant un petit peu un regard sur tout ce qui est activités scientifiques au sein de ce territoire et aussi sur par exemple les façons dont le territoire et aménagé, en respectant l'historicité des lieux, la continuité paysagère, etc. Voilà, toute cette lecture scientifique qui peut être apportée à la façon d'aménager le territoire pour éviter de faire trop de bêtises et dans le respect aussi des fonctionnalités écologiques, par exemple, des choses comme ça. Voilà, donc je suis à la fois archéologue, et avec le temps je suis devenu très très concerné par les problèmes de paysage et d'environnement, puisque j'ai eu la chance d'enseigner par ailleurs pendant dix ans à l'école nationale du paysage à Versailles. Voilà une présentation le plus complet possible, et concis, de ce qui m'amène aujourd'hui à avoir une position assez ouverte sur ce qu'on peut faire en archéologie, de l'environnement, qui est le domaine de recherche qui m'importe. Et alors, cette archéologie de l'environnement, je la pratique dans le département de l'Eure maintenant essentiellement, puisque c'est ce département dont on m'a confié la gestion administrative et scientifique au sein de la direction des affaires culturelles de Normandie.

[04:30]
L'archéologie préventive

Petit rappel sur l'archéologie préventive. Aujourd'hui, tout aménagement du territoire qui va avoir un impact sur le sol ou le sous-sol est susceptible de faire l'objet de ce qu'on appelle une prescription d'archéologie préventive. C'est-à-dire que le projet est soumis au préfet... Préfet, Direction régionale des affaires culturelles, et à l'intérieur de la Direction des affaires culturelles, Service régional d'archéologie. Donc pour le département de l'Eure, ça se réduit un peu à mon bureau... Et ces dossiers-là, je les vois passer, ils s'entassent, il faut que j'émette des avis, et éventuellement, donc, prescrire au nom du préfet une opération de diagnostic archéologique. C'est-à-dire qu'on envoie des petits bonhommes archéologues sur le terrain pour aller ouvrir le sol, vraiment, avec une pelle mécanique, avec des outils, pour aller voir s'il y a des vestiges archéologiques à observer. Et ce diagnostic archéologique n'est qu'une identification des vestiges, ce n'est pas une fouille. C'est juste on va voir pour savoir s'il y a quelque chose et ensuite, si les vestiges mis à jour sont importants, là effectivement on peut être amené à aller fouiller intégralement ou bien à modifier le projet d'aménagement pour protéger les vestiges, ou bien supprimer le projet d'aménagement, faire autre chose, ou bien à faire la fouille. Ce qui pose des problèmes financiers bien sûr, mais les choses sont très cadrées par le Code du patrimoine, ce qui fait qu'aujourd'hui on peut dire que, sur le territoire de l'Agglo Seine-Eure où globalement ça se passe bien, on a une vraie connaissance du patrimoine archéologique, perturbé, détruit malheureusement, mais on a une vraie connaissance et la collecte d'informations se fait de façon scientifique et réfléchie. Sur le territoire de département de l'Eure, je pense que si je ne dis pas de bêtises, l'année dernière il a dû y avoir une soixantaine de prescriptions de diagnostic d'exécutés ou de prévus. De diagnostic je dis, des fouilles il y en a, les opérations peu plus longues, coûteuses, lourdes effectivement, c'est on va dire quatre à cinq par an. C'est quand même beaucoup beaucoup plus rare. Mais il y en a tous les ans quand même, hein. Cette année, il y en a de programmées, enfin il y en a déjà trois de programmées sur l'année 2019.

[06:38]
L'archéologie dans l'Agglo Seine-Eure

Pour aller dans le territoire de la Communauté d'Agglomération Seine-Eure, c'est vrai que c'est on va dire un des territoires les plus actifs pour moi, qui me prend le plus de temps de travail certes, mais qui est aussi le plus dynamique en opérations archéologiques qui se réalisent et en aménagement, puisque d'abord il y a une ancienneté de la relation entre les services de l'État d'archéologie et la Communauté de Communes qui existait à l'origine. C'est que les fouilles archéologiques qui ont été menées dans les carrières dans la boucle du Vaudreuil sont anciennes, elles font partie des premières fouilles archéologiques on va dire scientifiques dans la deuxième moitié du XX e siècle qui ont été menées dans la région, à l'époque Haute-Normandie. Et c'est vrai que la relation à très vite été créée avec les élus, les institutions, les gestionnaires du territoire, de l'environnement, de l'aménagement, etc. qui existaient sur les secteurs du Vaudreuil, de Val-de-Reuil, de Louviers. Ce sont des communes sur lesquelles les archéologues ne sont pas des inconnus, et on connaît ce territoire-là. Donc c'était un peu normal que ce soit ce territoire-là qui voie se développer très fortement l'archéologie préventive dès qu'elle a été cadrée par la réglementation. La réglementation sur l'archéologie préventive, elle se met en place en 2001, avec des développements, des aménagements sur 2004\. Voilà, à partir de 2001, c'est on peut dire que dans l'Eure, c'est dans l'Agglo Seine-Eure que les plus grosses opérations d'archéologie préventive sont très vite mises en place, et non pas à Évreux comme on pourrait le penser, hein... Voilà, c'est un petit peu l'originalité de ce territoire pour nous. 08:24 Deuxième point important à voir par rapport à la Communauté d'Agglomération Seine-Eure, c'est le travail relationnel entre les institutions. Il y a depuis l'origine, enfin depuis que j'ai repris la gestion du territoire en question, essentiellement depuis le milieu de l'année 2011, il y a une relation suivie qui a été faite, avec les services instructeurs par exemple pour les permis de construire, pour l'urbanisme, avec les communes... Une construction d'une relation humaine aussi, entre individus, qui fait que chacun sait ce que fait l'autre dans son travail et sait quel type de questions on peut lui poser et avoir une réponse. En particulier, c'est très important par exemple puisque la réglementation, le Code du patrimoine, c'est compliqué, de mon côté j'entends, puisque j'en ai l'application à effectuer. De l'autre côté, du côté de l'aménagement du territoire, des élus, des communes, le Code de l'urbanisme, le Code de l'environnement, ce sont des choses très compliquées, qu'il faut savoir croiser avec le Code du patrimoine... Donc si on ne se parle pas, si on ne fait que par courrier électronique ou à distance, etc, ce n'est quand même pas pareil, et moi j'apprécie beaucoup avec l'Agglo Seine-Eure justement, d'être en relation avec les instructeurs de permis, avec les gestionnaires de projets. On arrive à travailler très en amont, par exemple sur des projets d'aménagement... Je pense à la halte fluviale qui est en projet actuellement sur Pont-de-l'Arche, sur des choses comme ça. On a des aménagements où on travaille très en amont pour savoir s'il y aura un impact archéologique, et on se tient au courant de l'évolution des dossiers pour ne pas rater une étape, pour que tout se passe bien. Ça c'est un côté aussi important, qui fonctionne très bien avec l'Agglo Seine-Eure, qu'on essaye aussi de mettre en place avec les autres com-com bien sûr. Par exemple c'est l'Agglo Seine-Eure qui a fait la première expérimentation d'une journée terrain. Les instructeurs de permis de construire, de procédures d'urbanisme et les gestionnaires du foncier on passé une journée avec moi, d'abord en bureau pour évoquer les procédures les problèmes de procédure d'archéologie préventive, donc tout ce qui est lié à des travaux, et puis ils sont allés sur le terrain, voir ce que c'était qu'un diagnostic archéologique, voir ce que c'était qu'une fouille archéologique. On est allé à Heudebouville pendant les fouilles qui étaient en cours sur la réalisation de l'écoparc 3, et ça a permis aux instructeurs de permis de construire de voir ce que c'était réellement sur le terrain que de faire aujourd'hui de l'archéologie liée à l'aménagement du territoire. Et puis ça leur a permis aussi de m'expliquer leurs problèmes. Comment eux avaient des difficultés de gestion de tel ou tel dossier. Et ça, c'est aussi pour ça que c'est intéressant d'en parler à mon sens, on a expérimenté cette relation avec l'Agglo Seine-Eure, qu'on essaye aujourd'hui d'étendre à d'autres territoires du département de l'Eure puisque maintenant toute la gestion territoriale se fait de plus en plus par communautés de communes, ces intercommunalités qui sont aujourd'hui les porteurs souvent de tous les aménagements.

[11:22] Il y a des anecdotes qu'on peut qu'on peut mentionner effectivement par rapport au territoire-même de l'Agglo Seine-Eure, qui sont intéressantes. On est en train de finaliser entre guillemets les études sur un secteur qui s'appelle le Carré Saint-Cyr, au Vaudreuil, l'ancienne église Saint-Cyr du Vaudreuil qui est désaffectée, dont il faut bien faire quelque chose parce que c'est un édifice remarquable, hein, le cimetière qui est à côté, quelques bâtiments, et sur laquelle et la Communauté d'Agglo et la commune elle-même veulent faire des choses. Eh bien là, on a un vrai travail collaboratif, et ça c'est vraiment plaisant, où tous les sujets sont évoqués : activités d'art dans la chapelle, mais en dessous c'est un cimetière, comme on communément dans les églises médiévales, donc on a fait des sondages pour voir où étaient les tombes et il y en a dedans et à quelle profondeur... Donc on va modifier le projet. Et c'est bon souvenir, ça, où on construit le projet, c'est-à-dire que là, on a vraiment l'impression d'être utile sur un projet actuel. Dans vingt ou trente ans, quand les touristes iront voir une présentation d'art contemporain dans l'église Saint-Cyr du Vaudreuil qui sera devenue salle de présentation peut-être avec des présentations aussi actives, des participations, eh bien ça aura été fait non seulement en tenant compte des données archéologiques, mais en échangeant avec les archéologues et avec les aménageurs et avec les porteurs de projets de l'Agglo Seine-Eure. Ça, c'est un super beau projet. 12:49 On a aussi de l'anecdote qui est moins drôle, c'est les conditions dans lesquelles on travaille. On a fait sur Heudebouville 3 avec Vincent Dartois, mon collègue de la mission archéologique de l'Eure, qui a fait la fouille d'un enclos, d'un grand enclos gaulois, (on n'a pas encore les résultats complets de la fouille) dans lequel il y a eu des activités peut-être un peu de métallurgie, etc., enfin quelque chose de très très intéressant. On a expérimenté pour la première fois une technique de relevé photogrammétrique au drone. C'est-à-dire qu'on est capable de faire de la topographie très fine maintenant, en utilisant des photos, en travaillant en 3D avec de la photogrammétrie, c'est-à-dire qu'on utilise plusieurs photos qui vont se recouper, ce qui permet de faire de la micro topographie du sol, à quelques centimètres, hein. On a des visions extrêmement précises. On était dans un terrain, et c'est là pour moi le côté anecdote, où la lisibilité du sol était telle qu'on ne comprenait rien à l’œil comme ça, à la vision. Et c'est beaucoup plus facile quand on est à 30m du sol, où on voit beaucoup mieux les données apparaître. Et c'était vraiment une fouille, là il faut rendre à César ce qui est à César, les archéologues, les collègues de la mission archéologique de l'Eure qui ont travaillé là-dedans, ils ont fouillé dans du caillou, quoi. Je ne souhaite à personne le supplice d'être dans de mauvaises conditions, avec un peu de neige tout ça... enfin voilà, être obligé de gratter dans des argiles à silex qui sont vraiment très très désagréables. Alors là, quand je venais faire ma visite de chantier, puisque moi mon rôle il est le contrôle scientifique de ces activités,j'évitais les plaisanteries déplacées parce que je savais que sur le chantier, ils ne rigolaient pas du tout. [14:32] Là, on développe des nouvelles techniques, de relevé en particulier. Bon, ça fait longtemps qu'on utilise de la photogrammétrie, donc ce système de relevé en volume avec la photo, on utilise par exemple la photogrammétrie pour faire du relevé d'architecture, beaucoup, où on va utiliser une forme de version panoramique, puis il y a des très bons logiciels qui remettent tout ça en forme qui nous font un bel objet tridimensionnel qu'on peut promener, balader, et tout, c'est absolument génial. Mais maintenant, il suffit qu'on insère dedans une petite mire, deux ou trois éléments de référence, et puis on a des systèmes GPS qui sont très précis, on référence le document et c'est d'ailleurs ce qui a été utilisé aussi sur Alizay. Les vestiges sont positionnés en trois dimensions sur une carte IGN, bientôt vous irez sur Géoportail et vous irez zoomer sur un endroit où vous savez qu'il y a des vestiges archéologiques, et vous verrez le vestige archéologique en 3D ! C'est complètement réalisable aujourd'hui, on est en train d'essayer de mettre ça en place sur Évreux. Mais on pourrait très bien le faire dans d'autres endroits. Ça demande des quantités de mémoire très très importantes et puis ça a quand même un coup de réalisation non négligeable. Mais oui les outils deviennent... ça a quelque chose de magique, ça. Parce que moi, j'ai commencé l'archéologie, et ça aussi ça peut faire sourire, j'ai commencé l'archéologie avec ce qu'on appelle un kutch, une règle graduée avec des différentes échelles, et des Rotring. Plus personne n'a de Rotring aujourd'hui, hein. Dans notre métier, on ne sait même plus dessiner avec un Rotring. Et comme je suis néolithicien, les silex taillés, on les dessinait à la plume. Aujourd'hui, il y en a encore qui continuent à dessiner un petit peu à la plume les silex taillés, puisqu'il y a un aspect des pleins et des déliés qui sont absolument extraordinaires, mais ça marche très bien en informatique aussi, hein. Et puis pour faire le contour, on scanne l'objet, et voilà. Maintenant le scan 3D... Bon, les techniques ont évolué, il faut reconnaître... Il faut vivre avec son temps. 16:21 Par rapport, on peut dire, aux différents territoires... L'Agglo Seine-Eure est composée d'un territoire, géographique j'entends, assez composite. La vallée de la Seine en est certes un marqueur très très important. Il y a un secteur de plateau on va dire sur le côté Ouest de la communauté de communes sur lequel on intervient assez peu, d'abord parce qu'il y a peu d'aménagements, donc l'archéologie préventive y est rare, c'est souvent lié à des pratiques agricoles du genre construction de hangars, des choses comme ça, donc des surfaces réduites. On intervient quand même, il y a quand même eu des opérations, mais très très peu. Donc c'est la vallée de la Seine, c'est la boucle du Vaudreuil, et puis la vallée de l'Eure, qui est un marqueur aussi d'organisation du territoire. Mais, il y a un deuxième petit bout de plateau très très important pour nous, qui est l'extrémité du plateau de Madrie, avec cet interfluve entre Eure et Seine, qui est quand même très organisé, très occupé pendant différentes périodes de notre histoire, et sur lequel on a acquis beaucoup d'informations dans les dix dernières années alors qu'avant il n'y avait rien. Pour nous c'était un vide archéologique, il a fallu attendre globalement la fin des années 1990 et le début des années 2000 pour voir apparaître une occupation archéologique qui était bien présente, une occupation humaine, qui était bien présente sur le plateau de Madrie. [17:40] Il y a une chose qui est étonnante, il y a une grande différence entre Aubevoye, la boucle d'Aubevoye-Gaillon, enfin, la plaine de Gaillon, et puis la boucle du Vaudreuil, par rapport aux techniques archéologiques. Dans la boucle du Vaudreuil, on a du matériau qui est de la grave, essentiellement, et puis des limon. Les limons sont acides, qu'on soit en plaine ou en plateau. Ils sont acides, donc on a une conservation des os par exemple qui est très mauvaise. Alors, quand c'est dans la grave, ça va, on a la faune, les vestiges de fane sont présents, mais sinon on n'en a pas. Et sur les plateaux, il n'y en a pas. Et à Gaillon, on a la chance d'avoir des limons qui conservent donc très bien la lecture du sol, c'est mieux que de la grave, c'est plus facile à fouiller, et qui en plus sont des limon carbonatés, c'est-à-dire qu'ils conservent la matière carbonée, ils conservent les os. Et donc on a par exemple pu fouiller une petite occupation très ancienne, néolithique, à Aubevoye, où les os étaient conservés, ce qui est assez rare, il faut être en fond de vallée et en plus dans ce contexte-là pour que ce soit si bien conservé. Donc voilà une petite spécificité du caractère de la zone d'Aubevoye-Gaillon. On vient de terminer de fouiller, on est en train de terminer de fouiller même on peut dire à ce jour, sur les carrières de Gaillon, la fouille d'un large niveau d'occupation du Néolithique final, Néolithique moyen peut-être / Néolithique final, avec des petits ateliers de débitage de silex, des petits foyers qui correspondent à de l'habitat, sur entre 7 et 8 hectares. On a fouillé deux grandes portions, là, où on voit même que les niveaux de sol sont globalement conservés à l'intérieur du sol actuel, sous 30cm. On en parlait avec Caroline Riche qui est la responsable de la fouille pour l'INRAP, en deux campagnes de fouilles, plus de plus de 10 000 pièces lithiques (de silex taillés) correspondant à des vestiges de l'activité au Néolithique sur le coin. [19:44] On a une opération de diagnostic qui va être réalisée très prochainement sur l'extension des carrières, à Martot, justement, à l'extrémité du territoire. Alors ça fait très longtemps qu'on intervient sur les carrières, sur les secteurs de Criquebeuf, Martot, et ces grandes carrières de grave, de sable graveleux. Et malheureusement, exemptes de vestiges archéologiques. Ou quasiment. Quelques traces d'occupation à l'Âge du Bronze, quelques traces très très ténues d'occupation à l'Antiquité, mais même pas de parcellisation, même pas des systèmes de fossés. Non, c'est une petite fosse dans laquelle on va trouver trois fragments de tuiles, ce qu'on appelle des tegulae, et un peu de céramique qui a été abandonnée là mais, voilà, pas d'occupation. Alors, il ya peut-être des explications simples à cela. Encore une relation simple à la géographie, à la géologie, à la nature du milieu. Aujourd'hui, on est sur des secteurs qui sont boisés, sur des sols qui sont peu propices à l'agriculture : secteur caillouteux, affleurements d'argile à silex abondants, et je pense que l'occupation humaine n'a pas eu besoin de s'installer là. C'est peut-être dommage pour la connaissance de ces territoires mais aujourd'hui c'est une connaissance par la négative, ce qui n'est pas inutile, ce qui n'est pas inintéressant non plus : ces territoires-là ne sont pas très propices à l'occupation humaine. Pour la partie qu'on a observée, c'est-à-dire essentiellement le Sud des communes. Effectivement, là où il y a actuellement les villages, c'est une autre histoire, l'occupation dans la vallée proprement dite est peut-être beaucoup plus ancienne, mais on n'a pas beaucoup eu l'occasion d'y travailler. 21:24 Alors, sur les axes de voirie, plusieurs questions se posent. Sans doute pas d'axe de communication direct par exemple entre Pîtres et Orival, et plutôt justement un passage par le Sud ou par le Nord. Parce que traverser la Seine, ça ne se fait pas comme ça, et que les gués n'étaient pas si nombreux, même si on dit qu'on pouvait traverser en période basse on pourrait traverser la Seine à cheval, c'était certainement possible dans la boucle du Vaudreuil, je ne suis pas sûr que cela ait été possible à l'exutoire de la boucle du Vaudreuil, au niveau d'Igoville et Criquebeuf-Martot. Ça ça me paraît beaucoup plus difficile. Donc un passage par le Sud effectivement de la Seine, une traversée du côté de Pont-de-l'Arche et un passage au Sud est très vraisemblable. On a un axe qui est connu d'une voie antique qui est importante entre Louviers et Elbeuf, ce qu'on appelle la grande vallée qui traverse, qui passe à l'Ouest de la forêt de Bord, où là, clairement, on a d'ailleurs des implantation gallo-romaines le long, enfin la voie est bien documentée, qui arrive à Saint-Pierre-lès-Elbeuf, et qui redescend sur Elbeuf. Le réseau viaire ancien je vais dire au sens large, de l'Antiquité et du Moyen Âge, n'est encore pas très bien documenté. 22:42 Le barrage de Poses, c'est l'occasion pour moi de voir un point auquel je tiens beaucoup, cet intérêt, celui de l'archéologie environnementale, de la compréhension de l'environnement. Aujourd'hui, on voit la marée qui remonte jusqu'à Poses, de façon plus ou moins importante suivant les saisons.Eh bien il faut penser à faire abstraction du barrage de Poses quand on est archéologue. Imaginons que la marée remontait jusqu'à Vernon. Et donc tout le système de l'Agglo Seine-Eure était soumis à la marée. Aujourd'hui, c'est quelque chose qui nous paraît étrange effectivement, mais tout le territoire de l'Agglo était soumis à la marée. La marée remontait, devait remonter, dans l'Eure. Je ne sais pas quelle était la puissance de la marée par exemple à la période gauloise ou à la période gallo-romaine, mais elle existait de toute façon. Et le niveau de la mer était peut-être un tout petit peu plus bas à la période de l'Âge du Bronze ou à l'Âge du Fer, peut-être un tout petit peu plus haut à la fin de l'Antiquité, mais sensiblement le même qu'aujourd'hui, et on le sait d'ailleurs de part et d'autre du barrage de Poses, sur la terre ferme, par les sondages archéologiques, où on voit les niveaux de sol anciens, où on voit les continuités géologiques qui montre les remblaiements, les débordements, qui sont à la même altitude en aval et en amont, alors qu'aujourd'hui le lit du fleuve est deux hauteurs différentes. Donc voilà, l'intérêt du barrage de Poses pour nous, c'est qu'il faut en faire abstraction.

[24:10]
Les premiers peuplements de la confluence des 3 rivières

Si on prend le secteur vallée de Seine - vallée de l'Eure qui est quand même le plus marquant pour le territoire, il faut noter un fait géographique essentiel, c'est la confluence des trois rivières, l'Andelle au Nord, la Seine au milieu, l'Eure au Sud. Alors on peut essayer d'imaginer la vallée de l'Eure globalement vers -4000 avant notre ère, qui est dans ce secteur là, ce qu'on appelle la boucle du Vaudreuil, une vaste plaine inondable, avec une série d'îles au milieu, là où aujourd'hui on voit des carrières, ou où il y a eu des carrières, mais qui était une série d'îles. Avec l'Eure divaguant dans la partie Ouest, la Seine divaguant dans la partie Est, et l'Andelle divaguant dans la partie Nord. Et là-dedans, dans cette vaste plaine, eh bien des gens qui arrivent à la fin du Mésolithique. Ce qu'on appelle le Mésolithique c'est la toute fin de la Préhistoire, ils sont encore chasseurs-cueilleurs, l'Homme commence à chasser à l'arc, la forêt en zones humides se développe, ce qu'on appelle des boulaies, des zones de milieux humides boisés. Et ils vont exploiter ces terrains-là pour faire peut-être une forme de proto-agriculture, mais commencer à aménager, à occuper le territoire. Et puis, au Néolithique, vers -3500, -4000, ils vont s'installer. Et c'est les premiers occupants de la région, qui s'installent alors tout d'abord dans la boucle de Gaillon, sur Aubevoye, un tout petit peu en amont, et puis ensuite dans la boucle du Vaudreuil, où il va y avoir plusieurs villages qui sont connus, donc, qui ont été fouillés, les premiers dans les années 1980. Sur la bouche du Vaudreuil, sur Poses en particulier. Sur Poses, sur Léry, sur Porte-Joie, où on a des occupations néolithiques importantes qui ont été fouillées, avec les creusements successifs des carrières. Alors ça a commencé avant l'archéologie préventive, et on continue dans le cadre de l'archéologie préventive. Par exemple, on va avoir à fouiller je pense dans quelques mois une grosse occupation néolithique sur plusieurs hectares au niveau de Porte-Joie dans le cadre de l'extension des carrières Lafarge. [26:23]  Deuxième chose importante dans la boucle du Vaudreuil après le Néolithique, c'est que le secteur va un peu à peu s'assécher, les terres sont riches, ce sont des bonnes terres agricoles, faciles à cultiver puisque sablonneuse et ça se laboure sans labour, enfin il suffit de passer une herse et le terrain est praticable. Donc une agriculture qui va se développer très facilement dans ce secteur-là, bien sûr au Néolithique, mais aussi après, je prends la chronologie, hein, à l'Âge du Bronze et à l'Âge du Fer, jusqu'à l'Antiquité classique où on va avoir des gros établissements agricoles qui vont apparaître, comme la fouille qui a eu lieu sur les carrières Cemex à Val-de-Reuil il y a quatre ans, d'une énorme occupation on peut dire monumentale. Une grande ferme, une villa avec des installations, petis thermes privés... et des aménagements qui lient un petit bras mort de l'Eure (enfin un bras aujourd'hui qui n'existe lus de l'Eure) qui a été aménagé en bief. Donc une vraie utilisation du territoire humide, et puis aussi des pratiques agricoles sur un grand territoire tout autour. Donc la boucle du Vaudreuil du Néolithique à l'Antiquité, c'est un territoire agricole riche, et dont l'aménagement tient compte de cette particularité d'être dans un fond de vallée avec une rivière et sa ripisylve, c'est-à-dire les boisements qui sont le long de la rivière. Et puis aussi, des circulations qui ne sont pas faciles, donc un aménagement doit être forcément raisonné et aménagé, et on voit des systèmes parcellaires apparaître à l'äge du Fer, qui tiennent compte des natures du sol. Alors je parlais de la boucle du Vaudreuil, de la commune de Val-de-Reuil, mais en fait il faudrait élargir à un secteur qui concerne tout cette confluence dont je parlais au début, qui va depuis Louviers en fait jusqu'à Alizay-Igoville au Nord, où tout ça c'est un seul et même monde entre guillemets, ce contexte de confluence.

[28:26]
Alizay : des fouilles dans les carrières

On a eu une très grande chance pour les archéologues, c'est le développement de ces carrières, en particulier très récemment donc le groupe Lafarge-Holcim et Cemex, ont développé toute une série de carrière en limite d'Alizay-Igoville, qui ont fait l'objet de on peut dire de la plus grosse opération d'archéologie qu'il y ait jamais eu dans la région, puisqu'elle portait sur plus de 40 hectares d'un seul tenant, et qu'on a fouillé intégralement, alors là je peux dire, horizontalement et verticalement, 14 hectares, même un peu plus, sur plus de 2m d'épaisseur. Intégralement mais très mécaniquement aussi, bien sûr puisque, là les moyens étaient tout à fait adaptés. Et c'est une opération très originale, où on avait des occupations essentiellement préhistoriques. Je parlais tout à l'heure du Mésolithique, on va dire vers -6000, -7000, peut-être même un petit peu avant, des occupations de plusieurs phases du Néolithique entre -3500 et -2000, et puis des occupations de la fin de l'Âge du Bronze et de l'Âge du Fer, un petit peu postérieur... Tout cela stratifié dans les limons de débordement de la Seine, avec des niveaux qu'il a fallu décaper et étudier. Et chaque niveau a fait l'objet de relevés systématiques en trois dimensions, ce qui a permis d'avoir une visualisation des vestiges et de comprendre les fréquentations de la zone humide, de ce milieu humide puisque c'était le bord de Seine, par les par les gens du Néolithique. Alors, un avantage, une conséquence de ces études, de la façon dont on a mené les études, c'est la restitution en trois dimensions qu'on peut avoir, c'est-à-dire ce qu'on va appeler aujourd'hui la paléotopographie, c'est-à-dire être capable de restituer les formes anciennes de la topographie, là où il y avait des creux, là où l'eau venait, les anciens bras de la Seine par exemple et les anciens bras de l'Andelle, puisqu'on était dans la zone de confluence, et de voir où les pratiques par exemple de pêche, de chasse, se faisaient en berge, où les installations permanentes ou temporaires se faisaient, où l'homme néolithique venait tailler le silex parce qu'il avait besoin d'une faucille pour collecter des végétaux sauvages pour prendre les roseaux et les mettre sur ses couvertures de maisons, etc. Toute cette chaîne de la vie humaine, maintenant on est capable de la restituer par cette fouille d'Alizay. Une des plus grosses opérations que moi j'aie eu l'occasion d'encadrer scientifiquement au niveau de l'archéologie et qui était particulièrement complexe à mettre en oeuvre, parce qu'on est sur des très très gros volumes. 31:12 La campagne... on a déjà eu donc deux grosses campagnes de fouilles qui ont eu lieu sur Alizay, on a une troisième campagne de fouilles qui est prévue, qui devrait se dérouler je pense en 2020 ou 2021. Les premières campagnes de fouilles ont eu lieu entre 2012 où ça a commencé, et le terrain s'est achevé en 2016. Là on est en période de traitement des données, de réalisation des rapports de fouilles et de préparation des publications puisque c'est un acte scientifique, donc il faut une restitution  à la communauté scientifique et au grand public des données, c'est essentiel. Et on est dans cette phase-là qui prend, pour des fouilles comme ça, au moins deux ans après la fin du terrain, c'est ce qui est prévu par le cadre légal... La loi prévoit deux ans après la fin d'une fouille pour rendre le rapport, là on va être sur des durées je pense plus longues parce que la complexité des données est telle qu'il ne faut pas attendre des données comme ça tout de suite. Alizay, c'est une sacrée aventure. Un souvenir personnel de complexité d'organisation, puisque là il faut que j'évoque la collaboration qui a été faite avec mes collègues de l'Institut national de la recherche archéologique préventive, qui ont mené le terrain, Cyril Marcigny et Sylvain Mazet qui ont piloté la fouille avec Bruno Aubry pendant plusieurs années. Et sous on va dire ma tutelle avertie, éclairée et j'espère amicale... Mais parfois voilà ce sont des milieux où il faut échanger, discuter, parfois se confronter, et oui un souvenir d'une collaboration et d'innovation permanente. C'est la première fois de ma vie que je voyais intervenir pour un chantier archéologique sur un seul site autant de matériel mécanique par exemple. Sept pelles mécaniques en même temps, des tombereaux qui tournent... On est dans du terrassement en même temps, mais du terrassement qui permet de faire sortir du sol des pièces en silex qui font quelques centimètres. Ça c'est un souvenir, ouais, il doit même y avoir des photos sur le site de l'INRAP...

[33:18]
Les Gaulois sont au bord de la plaine

On va avancer dans le temps et puis on va changer de commune. On a parlé d'Alizay-Igoville, on va retourner sur Val-de-Reuil, on va évoquer encore Val-de-Reuil, mais pas que Val-de-Reuil. En fait Val-de-Reuil - Louviers. Il y a une situation très particulière Val-de-Reuil - Le Vaudreuil - Louviers, une situation très particulière et intéressante qui est le pied de versant de la forêt de Bord, et en face, la plaine alluviale donc de la boucle. C'est ce pied de versant qu'ont choisi les Gaulois pour s'implanter. On me demande "les Gaulois sont dans la plaine ?" Ils sont au bord de la plaine. Là c'est clair que dans la boucle du Vaudreuil, on a toute une succession d'enclos. Alors ça se matérialise par des tranchées qui ont été creusées à la période gauloise puis qui se sont remblayées avec avec la terre de surface, donc qu'on voit apparaître... Quand on retire la terre végétale aujourd'hui on voit apparaître un sédiment plus travaillé, plus aéré, et souvent plus sombre dans un limon plus jaune. Et on voit des enclos quadrangulaires qui vont faire soixante, quatre-vingts mètres de côté, avec une organisation bien particulière, c'est un creusement de fossés qui va avoir extrait les sédiments pour faire une levée de terre qui va matérialiser l'enclos dans lequel se place la ferme et ses bâtiments. Et avec toujours un côté plus monumental du côté Seine, du côté Eure en fait. Donc côté Est, du côté visible depuis la plaine. Avec même l'exemple sur un des enclos à Louviers, où on a une partie qui est montée en cailloux, où ils ont choisi vraiment sans doute de parementer avec des pierres la façade tournée vers l'Est de la ferme pour qu'elle soit très visible, donc une sorte, oui, de côté très démonstratif du lieu. Alors on en connaît plusieurs donc qui sont sur cette espèce de ligne Nord-Sud qui correspond à la rive gauche de l'Eure, et qui s'organisent les uns après les autres. Là il y a toute une série d'opérations qui ont été réalisées sur la commune de Val-de-Reuil dans le cadre d'un gros projet d'aménagement qui s'appelle la voie de l'orée, avec des opérations de diagnostic et de fouilles pour partie qui ont été conduites par Claire Beurion de l'INRAP. Et aussi avec des petits espaces qui sont des espaces funéraires, qui correspondent aux petits cimetières qui vont avec les fermes. Cette occupation agricole du territoire, une espèce de succession de petites fermes avec de temps en temps les tombes qui sont regroupées, qui sont parfois des tombes assez riches en mobilier, en matériel céramique qui est mis en offrande avec le mort. Et puis des systèmes parcellaires qui relient tout cela. On peut voir un espace de la boucle du Vaudreuil et de la vallée de l'Eure qui est extrêmement organisé, avec des fossés, des chemins, comme une plaine agricole on pourrait dire du XVIII e siècle ou du XIX e siècle, où il n'y a pas d'espace vide. La forêt dans laquelle les Gaulois laissaient se promener des cochons, ce n'est clairement pas vrai dans la vallée de l'Eure. C'est peut-être vrai sur le plateau de la forêt de Bord, ce n'est pas vrai dans la vallée de l'Eure. Ça c'est certain. [36:33] Et puis chose étonnante, cette organisation avec des enclos, elle existe aussi sur les plateaux. Alors on ne l'a pas encore vraiment mis en évidence sur la partie qui se tourne vers le Roumois, sur le plateau de Bord, mais c'est clairement ce qu'on met en évidence à Heudebouville et sur le plateau de Madrie, où peut-être de façon un peu plus diffuse que dans la vallée, mais l'occupation gauloise se matérialise comme on a pu le mettre en évidence d'ailleurs dans d'autres secteurs du département de l'Eure ou dans le Pays de Caux en Seine-Maritime, avec des successions d'enclos plus ou moins quadrangulaires, souvent dans des dimensions qui se répètent, soixante, quatre-vingts, cent mètres de côté, rarement plus. Et puis des systèmes parcellaires qui se connectent sur ces enclos. Et à l'intérieur des enclos, un, deux, trois bâtiments, d'habitation, des granges, des greniers, des systèmes à quatre ou à six poteaux, neuf poteaux, qui dessinent des greniers surélevés pour protéger les récoltes des rongeurs... Une organisation assez répétitive dans le territoire, mais assez bien documentée maintenant, entre autres dans la boucle du Vaudreuil. [37:39] On est obligé de voir comment ça se passe aussi par rapport à la connexion... On a tendance à séparer période gauloise et période gallo-romaine, il y a très longtemps, au moins en Normandie mais aussi sur une grande partie du territoire français, on a arrêté de parler de la conquête des Gaules comme une rupture. Elle est en fait une continuité. Le monde gaulois et le monde gallo-romain ne sont pas si différents que cela, du moins entre le 1 er siècle avant notre ère et le 1 er siècle de notre ère. Les changements sont peut-être plus importants à la fin du 1 er siècle de notre ère, avec ce qu'on appelle la période des Flaviens, où là, il y a une richesse du territoire qui se développe, mais en fait, on va dire qu'entre 150 avant notre ère et 50 de notre ère, pendant deux siècles, on va assister à l'intégration de l'agriculture gallo-romaine, du monde producteur vraiment, dans le monde de l'économie romaine, avec des systèmes d'échanges qui se développent. Mais le II e siècle avant notre ère, les agriculteurs sont déjà en relation avec le monde romain. Les relations par exemple... vendre des produits agricoles ou des tanneries, des choses comme ça, pour obtenir du vin. Et on retrouve dans le département de l'Eure beaucoup plus qu'en Seine-Maritime d'ailleurs, et on le voit assez bien dans la boucle du Vaudreuil, avec des amphores qui viennent du monde italique clairement, dès le courant du 1 er siècle avant notre ère. Donc on a déjà cette insertion. Je reviens à Braudel, ce qu'il pouvait appeler une économie-monde, qui était une économie-monde du monde antique, qui vient jusqu'à chez nous dès cette époque-là, et puis qu'on va voir bien sûr se développer pendant la période gallo-romaine avec un mode de gestion du territoire qui va être différent avec les systèmes politiques qui vont se mettre en place après la Guerre des Gaules et après la conquête des Gaules par Rome. [39:29]  Ça c'est clair, il y a une évolution très nette. Et puis peu à peu, on va voir apparaître les nouvelles constructions, les nouvelles techniques de construction, les nouvelles techniques de gestion du sol, une réduction du nombre des occupations, des implantations agricoles. Par exemple cette grosse ferme dont je parlais à Val-de-Reuil, eh bien c'est une des rares que l'on connaisse dans la plaine du Vaudreuil. Aujourd'hui on en a fouillé une deuxième au Sud de Val-de-Reuil aussi sur un contexte de carrière, mais on n'a plus ce mitage, ce petit parsemé de petites fermes gauloises. On a peut-être trois, quatre grosses fermes. On a très vite tendance à penser qu'il pourrait y avoir un phénomène de concentration foncière, quelque chose comme ça, en tout cas une réorganisation de la production agricole qui se fait au cours du 1 er siècle de notre ère, clairement, et qui va se stabiliser on va dire vers les années 90 - 110 de notre ère, 120 de notre ère, avec là une vraie économie qui fonctionne très bien. Le plus bel exemple en est à Aubevoye avec une villa monumentale qu'on appelle "palais", tellement le vestige est important, puisque c'est bâtiment avec des péristyles, etc. et qui est une copie de ce qu'on pourrait voir dans le monde pompéien... On est vraiment dans le monde romain, là, avec un édifice qui est unique pour la région, et même au-delà de la région, qui est plus qu'une villa, oui, qui est un palais, et qui occupe une surface de territoire très très impressionnante. Un bâtiment qui fait 160m de façade, quelque chose de très très spectaculaire.

[41:09]
Pîtres, agglomération antique

Autre secteur qu'il faut évoquer dans la confluence, puisqu'on est à la période antique, on est bien obligé de parler de Pîtres. Alors Pîtres, c'est un vaste problème puisqu'une vieille fouille dans la région, sur une carrière, avait livré un cimetière, dans lequel il y avait des vestiges particulièrement remarquables, puisqu'on avait des objets du genre des épées ployées, des fragments de casques, des céramiques qui viennent du Sud de la France, enfin des choses très spectaculaires, et qui correspondait à une occupation, donc funéraire, qui démarre dans la période gauloise et qui allait jusqu'à la fin de l'Empire romain. Quelque chose qui pouvait s'étendre globalement du III e siècle avant notre ère jusqu'au V e siècle de notre ère (au moins IV e de notre ère). Seulement, on avait très peu de connaissances sur l'occupation humaine, habitat. Or, s'il y a des morts, il y a de l'habitat pas loin. Donc on a quelques informations sur sous le village de Pîtres, des vestiges qui sont maintenant beaucoup mieux documentés, et on peut parler du village de Pîtres comme d'une agglomération antique. Et les études nous amènent à proposer, peut-être, on est encore à l'étape de la suggestion, que ce Pîtres aujourd'hui, serait le Petromentalum qui est cité sur l'itinéraire, la carte, la Table de Peutinger, qui est cette carte des voies antiques qui a été écrite au Moyen Âge. Et pourrait être donc cette ville de Pîtres qui est une véritable cité, une véritable ville avant l'heure, dans la plaine, qui se serait installée là peut-être au III e siècle avant notre ère. Cité dont l'une des hypothèses serait qu'elle répondrait à un site de hauteur, comme on a souvent le cas : une ville en plaine et un site de hauteur pas loin. Qui répondrait à l'oppidum d'Orival qui n'est pas très loin, qui est de l'autre côté de la Seine au niveau d'Elbeuf, et qui correspondrait donc à une occupation antique dans la vallée, dont on voit l'extension d'ailleurs un petit peu en rive Nord de la Seine avec une fouille qui a été faite à Alizay par Claire Beurion également, tout près de la limite d'Igoville d'ailleurs, il y a quelques années, où on a une autre occupation à système d'enclos, qui couvre toute la période antique. Donc voilà, le Nord de la boucle du Vaudreuil, le côté Andelle, est marqué par occupation antique qu'il faut appeler agglomération antique de Pîtres. [43:42] On ne sait pas vraiment, c'est une hypothèse qui a été mise en place par rapport à d'autres vallées que la Seine. En particulier par rapport à la vallée de l'Aisne, où on a souvent ce jumelage entre deux sites, deux implantations, une occupation de plaine assez ouverte mais assez dense, une ville, et puis une occupation de hauteur qu'on dit fortifiée mais le mot n'est peut-être pas fortifiée, le mot est plutôt cloisonnée, espace fermé, qui peut être aussi bien pour regrouper les populations que pour regrouper le bétail par exemple, les vocations de ces espaces-là ne sont pas forcément très bien définies, ce qu'on appelle oppidum... Et très souvent on a ce système de double occupation. On a le cas sur Soissons et Pommiers par exemple, même phénomène, on a le cas à Villeneuve-Saint-Germain et Soissons, voilà, ce phénomène de l'oppidum. Alors on pourrait dire qu'on a un oppidum de hauteur à Orival et on a son équivalent de plaine à Pîtres. Mais on va parler d'agglomération qui est peut-être plus adapté en l'occurrence. [44:44] Aujourd'hui, on peut se poser la question de pourquoi la commune de Pîtres est devenue un petit village qui ne témoigne pas du tout entre guillemets d'une agglomération antique importante. Il y a quelques pistes de recherche qui évoquent ce point là. La première peut être liée au système de réseau de communication. La voie romaine importante qu'on appelle en plaisantant la VR1, "voie romaine 1", en fait qu'on appelle souvent "chaussée Jules César", qui relie Paris à Rouen et à Lillebonne, en passant par Caudebec-en-Caux, cette voie traverse la vallée de l'Andelle très en amont de Pîtres. Donc Pîtres fait un point un peu délaissé par rapport à cette voie. Deuxième chose, avec la période antique, d'autres sites deviennent plus importants que cette espèce de regroupement d'habitat qui pouvait exister, même s'il est important. Je parlais tout à l'heure de la grosse villa qui a été fouillée aux Errants à Val-de-Reuil, la grosse villa qui existe, quasi-palais, à Aubevoye, sans doute qu'il en existait d'autres importantes, et puis peut-être l'apparition d'autres agglomérations. Il y a une occupation antique à Louviers ou du moins dans la partie Sud de la ville de Louviers qui a une origine dès le 1 er siècle de notre ère, qui a pu prendre la place puisqu'elle était peut-être sur une autre axe de communication Nord-Sud qui était la vallée de l'Eure et qui est aussi un axe important entre les Durocasses au Sud et les populations de la vallée de la Seine, qui pourrait expliquer l'abandon de Pîtres. Même si à Pîtres il y a sans doute ce qu'on appelle un portus, c'est-à-dire un accès au fleuve, et une circulation qui se fait par l'eau. L'autre hypothèse qu'il y a peut être liée aussi au milieu : variation du niveau humide. Le niveau de la Seine n'a pas toujours été le même, le niveau des rivières n'a pas toujours été le même, il a pu y avoir des variations, et des accessibilités au milieu qui pouvaient être différentes. Et puis il y a une autre hypothèse, c'est aussi la création de Rouen. Puisque, au moment où Pîtres est une agglomération antique, Rouen n'existe pas. Rouen n'est qu'un lieu de plaine inondable avec quelques fermes gauloises installées sur les versants et sur les plateaux. Et puis, on sait qu'au tout début de notre ère, on a par exemple sur les fouilles qui ont été réalisées sur le métro de Rouen un morceau de bois qui a participé à la construction d'un puits, qui est un fragment du puits sur les quais de Rouen qui est daté je crois de l'année 4 de notre ère. Ce sont les premières occupations connues sur Rouen, donc la ville se développe essentiellement dans cette période dite du tout début du Haut-Empire précoce, sans doute au détriment des autres lieux possibles d'occupation, donc encore une fois on en revient à un des moteurs de l'évolution paysagère qui est l'économie. C'est sans doute un développement économique au désavantage de Pîtres qui a fait que la boucle du Vaudreuil qui était un lieu de très très grande occupation depuis la Préhistoire, qui était sans doute un des lieux majeurs d'occupation humaine dans la région, est devenu un terrain globalement pas vide mais beaucoup moins intéressant et beaucoup moins occupé pendant ce qu'on appelle par exemple le Moyen Âge, pendant les périodes du début du Moyen Âge, la fin de l'Empire romain, ce qui explique aussi sans doute le déclin de Pîtres. 

[48:13]
Le Moyen Âge

On va parler un peu de Moyen Âge. Le vrai centre aujourd'hui urbain de l'Agglomération, reste quand même Louviers. Alors cette ville de Louviers, on ne connaît pas vraiment son origine. On connaît la présence d'une occupation gallo-romaine sur quelques hectares au Sud de la ville, on connaît la présence plus ancienne d'occupations sur les les versants de la côte de la justice au Sud de Louviers sur cette butte où il y a une occupation dès l'Âge du Bronze qui est présente là, on va dire dès -1500 avant notre ère, il y a des populations humaines là. Mais en fait le vrai développement va être quand même essentiellement pendant le Moyen Âge, particulier pendant le Haut Moyen Âge. Puisqu'on a eu la chance il y a quelques années à Louviers, avant que je m'occupe du territoire, d'avoir une fouille en pleine ville avec un cimetière du Haut Moyen Âge qui a été fouillé quasi intégralement par Frédéric Jimenez et Florence Carré ici, et qui adonné une bonne information sur ce qui était la population globalement aux VII e siècle, VIII e siècle ou IX e siècle de notre ère sur ce qui était en train de devenir la ville de Louviers. Je ne vais pas rentrer dans l'histoire médiévale de Louviers, d'abord parce que c'est moins mon domaine de connaissances, mais il y a deux faits qu'il faut remarquer par rapport au Moyen Âge sur le secteur de Louviers - Vaudreuil... sur Le Vaudreuil et Louviers, c'est deux éléments importants. D'abord, Louviers était une ville fortifiée. On a tendance à l'oublier. On a eu l'occasion à plusieurs reprises, il y a très peu de temps, sur un projet d'aménagement, de retrouver des vestiges de l'enceinte urbaine. En très mauvais état, ça avait été totalement démonté entre le XVII e et le XVIII e siècles, mais il y avait une enceinte avec des murs qui fermaient la ville, l'eau passait dans la ville, il y avait un système vraiment d'une vielle forte comme on pouvait le voir d'ailleurs aussi à Évreux, à Pont-de-l'Arche, on a d'autres exemples à proximité. [50:24] Et puis, on a un site très particulier qu'on appelle l'île l'Homme, qui est aujourd'hui le territoire du essentiellement du golf du Vaudreuil, en grande partie mais pas que le golf... Cette île l'Homme, qui est entre deux bras de la rivière d'Eure, qui était en fait un château royal. Et ça on a tendance à l'ignorer. Les rois de France avaient leur propriété dans notre secteur, sur cette île, avec un château, dont certains éléments ont été fouillés, enfin vus à la fouille, au diagnostic puis en partie réellement fouillés par Nicolas Roudié de l'INRAP,  dans le cadre des projets d'aménagement successifs sur l'emprise du golf. On a eu un travail suivi d'ailleurs avec les propriétaires et aménageurs de ce terrain, avec qui on a une bonne relation et une bonne réflexion sur la façon d'aménager ce secteur sans porter atteinte ou du moins en portant atteinte le moins possible aux vestiges, puisque les vestiges du château sont toujours là. Sur cette île l'Homme au Vaudreuil, donc, il faut imaginer qu'il y a eu aussi une succession de châteaux. Il y a plusieurs châteaux les uns après les autres, c'était une des choses les plus étonnantes d'ailleurs puisque moi je suis très sensible à la façon dont on utilise les zones humides. Et là, on a un château qui est aménagé avec l'eau. Alors ce n'est pas Azay-le-Rideau, hein, ni Chenonceau, mais on n'est pas si loin que cela en fait. Avec un réaménagement au XV e siècle d'un château qui va tenir compte des berges de rivière pour aménager son jardin avec des plateformes dont on a des plans anciens d'ailleurs, on a encore quelques éléments graphiques. Et c'est très très chouette, enfin moi j'ai trouvé ça très agréable de pouvoir faire le lien entre des plans qui existent sur le secteur, des plans du XVII e, et des vestiges archéologiques qu'on a trouvés, de faire le lien entre des éléments du château du XIII e siècle, avec son évolution jusqu'à aujourd'hui. Un lieu de pouvoir... et aujourd'hui le pouvoir c'est un terrain de golf. Voilà c'est un truc auquel j'ai toujours été un peu sensible, là, ce lien. [52:30] Et puis il y a le côté aménagement aussi, utilisation des milieux humides. Les milieux humides sur la commune du Vaudreuil, il y a eu un aménagement d'une zone humide qui a été fait dans cette commune, c'est assez significatif de l'importance que devait refléter ces zones humides dans la vallée. Je pense que les populations de la vallée, les populations de l'Agglo aujourd'hui qui habitent dans la vallée, doivent être conscientes qu'il y a toujours une relation forte entre les populations et l'eau. L'Eure était navigable. N'oublions pas qu'on pouvait remonter à Évreux avec des petites barcasses, certes certainement pas avec des gros bateaux, mais voilà on pouvait remonter à Acquigny et sans doute en amont  peut-être jusqu'à Ivry-la-Bataille, ça dépend peut-être du débit, mais on pouvait circuler. Il y avait des zones humides partout. Et puis on pouvait remonter par l'Iton, faire remonter choses par l'eau, ou faire descendre des choses portées par l'eau. Sûrement pas des gros bateaux, ça c'est sûr, mais une petite barque pouvait tout à fait circuler. Aujourd’hui on fait du kayak... Voilà, on lie à l'actuel les vestiges du passé. C'est important de se rendre compte que cette zone humide il ne faut pas lui tourner le dos. Souvent on tourne le dos ou on a tourné le dos à nos zones inondables, c'est des zones à moustiques, c'est pas pratique, etc. Et en fait ça peut être tout le contraire. Ça peut être des zones extrêmement agréables, ça peut être des zones praticables, fréquentables, comme elles l'étaient, fréquentées... Il y avait aussi des moustiques pendant l'Antiquité, hein... [54:04] On n'a pas grand chose sur Pont-de-l'Arche hein... Pour le moment on a fait flop dans les opérations de diagnostic qu'on a faites... On a très très peu d'aménagement. Il y a eu des travaux réalisés, il y a eu quelques interventions faites sur Pont-de-l'Arche par Dominique Pitte, un de mes collègues aujourd'hui bienheureux retraité, qui a fait quelques interventions sur les fortifications et sur l'extension de la maison de retraite, l'hôpital rural qui existait à l'intérieur des murs, puisque là, l'hôpital est dans la ville. Mais en fait la ville de Pont-de-l'Arche a ceci de particulier qu'elle a gardé son cachet. On a fait par exemple une intervention sur un l'aménagement qui est sur la porte Sud de la ville médiévale, juste à l'extérieur des murs, tout ce qu'on a trouvé c'est des remblais de la période contemporaine, qui ont été ramenés pour combler les fossés médiévaux, qui sont là. Donc l'apport archéologique ben il est quasi nul, si ce n'est qu'on sait que les fossés médiévaux autour de la ville ont été comblés mais qu'ils sont toujours là. Et l'intérieur de la ville, quand on se promène dans Pont-de-l'Arche, on a tendance à ne pas forcément y penser mais la plupart des maisons, peut-être pas exactement telles qu'elles sont là, mais la plupart des maisons sont l depuis le XV e siècle. Dans cet état là ou à la place de ce qu'il y avait, mais la morphologie de la ville a très peu changé, à l'intérieur des murs.Ce qui fait que je pense que d'ailleurs les habitants de Pont-de-l'Arche y sont très attachés, à ce côté ville médiévale à l'intérieur de la ville, et ils l'ont gardé. [55:37] Le fameux pont de l'arche. Alors on peut en parler de deux façons. Tout à l'heure j'ai évoqué les fouilles d'Alizay et dans l'angle du gros chantier de fouilles d'Alizay, l'angle du Sud-Ouest, il y avait ce ce petit vestige que l'on connaît bien par des fouilles anciennes, enfin des interventions anciennes, dans les années 1970-1980, sur un espèce de fortin qui serait installé par Charles le Chauve pour lutter contre les invasions vikings, qui correspond à la fameuse installation du premier pont sur la Seine à Pont-de-l'Arche. Donc ce petit fortin, on en a trouvé des éléments fortifiés, on en connaît le système de double et triple fossés qui étaient en partie dans la carrière, qui a été fouillé. On ne connaît pas l'autre côté, côté Seine, puisque c’était un fortin avec une tour dans lequel on passait pour contrôler l'accès à la ville de Pont-de-l'Arche, et qui devait être surtout un barrage à la Seine. L'anecdote d'ailleurs, ça m'a toujours fait rire, c'est que le château, la fortification  d'Igoville, Pont-de-l'Arche rive Nord en fait, qui devait être montée par Charles le Chauve pour protéger la ville de Paris contre les invasions vikings, avait une garnison personnelle tellement faible et paraît-il n'a jamais été fini, à tel point que c'est les Normands quand ils sont arrivés, enfin les Vikings, ils s'y sont installés pour contrôler à leur tour ! C'est plus de l'anecdote qu'autre chose, ça ne s'est sûrement pas passé comme ça, mais c'est le premier pont qui ait été installé à cette occasion-là. Deux informations archéologiques que l'on a ou qu'on va avoir. La première dans le cadre des fouilles d'Alizay, un petit cimetière du Moyen Âge, à proximité de la zone, qui pourrait correspondre à des vestiges de populations qui était présentes au moment de la construction du fortin. C'est une hypothèse. [57:31]  Et puis la deuxième chose, c'est dans le cadre de l'aménagement de la halte fluviale qui est envisagée par l'Agglo et la commune de Pont-de-l'Arche sur la Seine, eh bien l'aménagement doit se faire à l'emplacement-même où se trouvait la culée Sud de l'ancien pont, qui accédait directement à la ville, donc sur l'axe principal de la ville, qui est déporté d'une soixantaine de mètres, 80m à peu près vers l'Ouest par rapport au pont actuel. Et donc il va y avoir une opération d'archéologie subaquatique. Il va falloir faire intervenir des archéologues dans la Seine, puisqu'il pourrait très bien y avoir dans les envasements du pied de berge de Seine là où il va y avoir la halte fluviale implantée, des vestiges du pont initial, donc présents depuis la fin du premier millénaire. Des vestiges qui ont donc globalement 1200 ans s'ils sont là. On va voir ce que ça donne au nivea de l'intervention, qui n'est pas encore programmée. [58:31] Faire de l'archéologie subaquatique dans la région, c'est très compliqué. La Seine et sans doute l'un des endroits les plus maudits par mes collègues qui font de la plongée, la direction des recherches subaquatiques, qui est basée à Marseille. Un de mes collègues est venu plonger en Seine il y a quelques années à ma demande, et m'a dit plus jamais ça. Mais il est revenu quand même, mais voilà c'est vraiment des conditions très particulières. La Seine, c'est au moins trois personnes par plongeur, d'abord il y a du débit, hein, c'est pas les 5-6 mètres cube/seconde de l'Iton à Évreux, la Seine ça charrie des gros volumes, donc il faut quelqu'un en amont pour repérer s'il y a des objets qui peuvent arriver, le plongeur quand il étend la main il ne voit pas sa main dans la Seine, et puis il faut quelqu'un sur le bord pour repérer, donc c'est très très compliqué au niveau sécurité, c'est vraiment tout ce qu'il y a de plus désagréable. Même à Pont-de-l'Arche. Il y a beaucoup de turbidité. Et puis on a un désavantage, c'est que l'eau est froide. Mais on va avoir des opérations de plongée. Non c'est très très rare quand même, et puis il faut penser que par rapport à d'autres fleuves, par rapport à d'autres secteurs dans les eaux intérieures, le fleuve Seine a été dragué, a été très aménagé, et donc les zones qui sont encore en place dans le cours du fleuve sont extrêmement rares.

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L'évolution actuelle du milieu

Par rapport à l'histoire de l'environnement, c'est l'évolution actuelle du milieu, si on se replace dans la longue durée sur l'ensemble du territoire de l'Agglo, on a un territoire qui est globalement très vert, très boisé, qui n'est pas le territoire du passé. On a souvent tendance à se dire il faut faire du végétal, il faut mettre du végétal, des arbres, etc. Mais on a un territoire du passé qui était peut-être beaucoup plus ouvert que celui d'aujourd'hui. Ce sont des questions qu'on peut vraiment se poser. Le côté c'était mieux hier, il y a des secteurs sur lesquels je n'en suis pas sûr. La boucle du Vaudreuil en est un. La forêt de Bord n'est pas une forêt préhistorique. Il y a longtemps que la forêt préhistorique, la forêt primaire a disparu de France... Et il faut imaginer que ces zones-là étaient peut-être des friches, des landes, des zones d'ajoncs et des zones ouvertes, peut-être des prairies... puisqu'on sait maintenant par une des fouilles qui a été faite par Jérôme Spiesser sur la villa du Grésil à Orival, on sait qu'il y a un système d'élevage important et fabrication de fromage dès l'Antiquité. On avait un milieu qui était complètement différent. Il faut imaginer la boucle, le secteur d'Alizay, on a pu relever que tout le secteur de la plaine qui est aujourd'hui en carrière, a été boisé on va dire il y a 8000 ans. Totalement boisé. Mais on a surtout trouvé tous les chablis de ces arbres, c'est-à-dire les trous qui ont été faits quand l'arbre a basculé. On a même des arbres basculés par endroits, le bois conservé des arbres basculés, qu'on a retrouvé dans les argiles organiques. Il faut imaginer cette plaine comme un vaste champ de bataille avec des arbres, à chaque tempête il en tombait, et l'Homme devait aider un peu par moments... On a toujours tendance à vouloir des terrains organisés propres, mais la nature n'est pas quelque chose de très propre et de très linéaire et organisé. Et ça, ça fait partie du message que j'essaie toujours de passer. L'environnement, la nature... Les outils par lesquels on comprend la nature ne nous donnent qu'une vision très partielle et on est souvent surpris par la restitution qu'on peut en faire aujourd'hui. Et le meilleur exemple en est la zone humide et ses chenalisations. Aujourd'hui à Louviers ont été construit successivement une piscine et une patinoire dans les anciennes zones humides. On est dans le lit majeur de l'Eure, eh bien on a vu que ces espaces-là, pendant l'Antiquité, où le climat était plus sec, étaient cultivés. On est dans des espaces agricoles, on a des fossés de parcellaire, on a des éléments de témoignages clairement de zones qui étaient des zones agricoles, et qui sont devenues des zones ensuite inondables, et industrielles. Voilà l'histoire d'un territoire résumée en quelques mots. C'est un peu déroutant et aujourd'hui, on y voit des aménagements de loisirs qui vont être cernés d'espaces on va dire ludiques, paysagers, on va dire que ce sont des espaces naturels, qui n'ont jamais été...

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Voir aussi
Témoignage de M. Jean-Pierre BINAY, président de la Société d'études diverses de Louviers (SED) ~~ Mme Lucette DUCHEMIN, propriétaire d'un ancien moulin à tan à Louviers ~~ M. Guy DUCHEMIN, propriétaire d'un ancien moulin à tan à Louviers ~~ M. Thomas GUERIN, archéologue et membre de la Société d'études diverses de Louviers (SED)

Témoignage de M. Philippe DAVIS, historien local, habitant de Saint-Pierre-du-Vauvray

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