Témoignage

Mme Suzanne LIPINSKA
créatrice du Centre culturel du moulin d'Andé

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[00:12]
Bonjour, Je suis Suzanne LIPINSKA, comme je dis souvent, je suis la "meunière" du moulin d'Andé. Quelquefois on me dit "Ah, vous êtes la propriétaire" : j'ai horreur de ce mot... On est propriétaire, on n'a pas beaucoup de mérite, par contre j'aime mieux dire la créatrice du centre culturel du moulin d'Andé, et ça, ça remonte à effectivement un certain temps et je crois d'un tout petit moulin on a fait un grand moulin, qui est assez repéré comme lieu culturel et ça j'en suis un peu fière.

[00:52]
Trois moulins sur la Seine

Moi j'ai connu le moulin même petite fille, étant donné que mes parents avaient ce qu'aujourd'hui on appelle le moulin de Connelles, qui en fait était un des trois moulins construits sur la Seine en 1195. Alors je rappelle, d'après ce que je sais, mais c'est à vérifier peut-être par des vrais historiens que je ne suis pas moi-même : la garnison de Château-Gaillard s'était installée aux Andelys et à ce moment là bien sûr la garnison avait besoin de pain ; pour faire du pain il faut de la farine, déjà à l'époque ; et pour faire de la farine et il fallait moudre le grain. Donc trois moulins avaient été construits : celui de Muids, d'Andé et de Connelles. Alors Muids existe toujours mais malheureusement il a perdu sa roue et puis sa machinerie intérieure ; alors que le moulin d'Andé a à peu près toute sa machinerie de l'époque pratiquement intacte. La roue par contre était en très très mauvais état, elle a été restaurée complètement il y a une quinzaine, vingtaine d'années maintenant. Donc le moulin d'Andé est comme témoignage patrimoine historique important dans la mesure où en principe c'est le dernier moulin pendant, c'est-à-dire la roue qui pend dans l'eau. Le moulin est à cheval entre l'île et la rive.[02:37] Voilà l'île du moulin, voilà le moulin. Il y avait par exemple, il y a quelques siècles, une petite île là, qui  n'existe plus : cette parcelle-là qui n'existe plus, qui a disparu. Alors maintenant par exemple tout ça est relié, ça aussi, ça c'est agrandi...[03:08] Le troisième moulin c'est le moulin de Connelles, qui n'existe plus en tant que moulin, mais les anciens propriétaires ont eu, paraît-il, l'autorisation de construire à cheval sur la Seine, parce qu'autrefois c'était déjà un moulin. Et en fait ça a appartenu à mes parents, et donc petite fille, on habitait Connelles, alors dès que j'ai pu être assez grande vers 10-11 ans pour manier une barque toute seule, je venais voir le moulin. Parce que c'était de Connelles, à la rame, ça faisait  quand même une petite trotte, ce n'était pas tellement à côté. Alors je prenais la barque et puis je m'installais dans l'île du moulin, et je rêvais. Je passais mon adolescence à rêver, dans un saule... perchée dans un saule, à lire... je ne sais quelle littérature ! Voilà... ça, c'est mes premiers souvenirs.

[04:23]
La Seconde Guerre mondiale

Alors j'ai des souvenirs quand même de l'époque aussi de la guerre, puisqu'on est parti pour l'exode avec ma famille, de Connelles. On est parti, on a pu passer les deux ponts sur la Seine et très peu de temps après les deux ponts ont sauté puisque c'était pour retarder, ou empêcher même, l'avancée des Allemands. Bon, ils ont bien dû mettre une heure de plus, avec des bateaux pneumatiques. Et donc après quand on est revenu (je ne vais pas vous raconter l'exode parce que là ce n'est plus sur la Seine), mais quand on est revenu, il n'y avait plus de ponts, et on avait toujours la maison de Connelles, et si on voulait aller à Paris ou sur l'autre rive, les trains étaient à Saint-Pierre-du-Vauvray, c'est-à-dire de l'autre côté de la rive, et il fallait passer avec le bac, soit à Herqueville soit à Saint-Pierre. Et j'ai un souvenir d'un jour où, avec ma mère, on devait aller à Paris, et on nous a conduites je ne sais plus comment jusqu'à Andé, jusqu'à la Seine, et là le bateau était absolument plein à ras bord déjà, donc on n'a pas pu le prendre, et on a couché à l'hôtel avant de prendre le train le lendemain matin pour retourner à Paris. Voilà, puis après, les ponts ont été reconstruits. On les fait tout beaux en ce moment... On va avoir des ponts superbes !

[06:12]
Un moulin comme cadeau de mariage

Alors moi je me suis installée définitivement en 1956. L'idée au départ c'était d'y élever mes enfants en bas âge, et puis très vite, comme j'avais des amis qui étaient écrivains, qui étaient peintres, qui étaient musiciens, enfin de ce domaine, ah, ils ont trouvé le lieu absolument extraordinaire. En disant mais qu'est-ce qu'on est bien ici... il n'y avait aucun confort, hein : le chauffage, il y avait un poêle à bois dans la salle de la meule... Quand je repense à cela, c'était un petit peu inquiétant... et puis un chauffage un peu... très très très très rudimentaire, et  il y avait uniquement trois chambres ici. Mais il y avait par contre des grandes dépendances ici : il y avait un grenier, dans lequel très vite on a fait des chambres ; il y avait l'étable, qui est devenue une bibliothèque... Et tout a été transformé, restauré petit à petit, et puis agrandi au fil des années. Lorsque je me suis installée, l'île n'était accessible qu'en barque. Et donc le premier travail qu'on ait fait, ça a été de faire une passerelle accolée au moulin avec un escalier de chaque côté, et je me souviens avoir demandé bien sûr l'autorisation, en disant mais je suis sûre qu'il y avait... Moi je me souviens, il y avait une passerelle autrefois, avec des piles de pierre qui la soutenaient, et bon je n'étais pas très sûre, mais... j'avoue aujourd'hui ! Et puis un jour j'ai vu un vieux du village déjà qui m'a dit "Mais moi je l'ai connue, la passerelle" : elle existait ! Donc on était bons. Donc, il y a eu l'autorisation de faire cette passerelle accolée au moulin avec un escalier de chaque côté. Donc c'était la réunification de l'île à la rive, enjambant la Seine, bien sûr. [08:32] Voilà sans passerelle: là maintenant il y a l'escalier. La passerelle. [09:07] Alors par contre, ce qui m'inquiète beaucoup, ce qui m'importe, c'est la sécurité du moulin lui-même. J'ai une double inquiétude : d'une part le moulin de Connelles s'est effondré, je le sais, donc je voudrais qu'il n'arrive pas la même mésaventure au moulin d'Andé. Et puis j'ai le souvenir aussi d'un matin, où ouvrant ma fenêtre, je regarde la rive, enfin le fleuve, comme tous les matins, et puis les lauriers qui étaient tout le long de la berge, je les vois mais tout petits ! Mais, qu'est-ce qui s'est passé ? Et en fait, il y avait une crevasse, et il y avait toute une partie de la terre qui est tombée dans l'eau, entraînant les lauriers, qui sont restés debout, mais ils sont devenus tout petits. Alors à la suite de cela, on a fait tous des travaux de soutènement, et on a fait un grand mur, qui je pense a protégé et continue à protéger les piles sur lesquelles le moulin repose et ça, c'est fondamental. Mais chaque année, quand vraiment les crues arrivent, j'ai toujours une petite inquiétude. Quand même il y a longtemps, je ne sais pas, 40-50 ans, il y avait eu des plongeurs qui avaient examiné les radiers. Il y avait eu un congrès de molinologie à Paris, et ils étaient venus visiter le moulin comme dernier moulin pendant. Ils en avaient profité pour regarder de près non seulement le fonctionnement, mais l'état de la roue, l'état du mécanisme, etc. Et je dois dire que cela s'est terminé un peu bizarrement parce qu'ils sont allés en barque et avec l'inondation de la Seine, la barque s'est renversée ! Enfin, il n'y a pas eu de morts, il n'y a pas eu de blessés, on les a sauvés, on les a séchés, et le congrès à l'eau ! Ah ça, c'est un souvenir, aussi... [11:45] Il y a eu toute une étude aussi, faite par David Jones sur le mécanisme que j'ai toujours, sur le mécanisme, l'état du moulin. En tout cas quand il y a eu des plongeurs, ils avaient trouvé que c'était quand même en bon état : le radier était en bon état. Mais je me souviens quand même qu'ils avaient dit "Oh, il y a juste un petit affouillement de 60 cm dans les piles". Enfin je me disais, quand même, 60 cm ce n'est pas négligeable ! Donc voilà : mon souhait, ce serait vraiment qu'on regarde si l'affouillement ne fait pas maintenant 80 cm... Ce serait mieux de le savoir...

[13:00]
Un lieu culturel

La première manifestation qu'on ait organisée, c'était le 29 juin 1957 : ça a été le premier concert qu'on ait donné au moulin. Et à ce moment-là, comme il n'y avait pas de salle, il n'y avait pas de théâtre et tout ça, on avait décidé de faire le concert dans l'île du moulin. Donc on a fait un concert qui qui a été superbe, on a une chance inouïe il faisait un temps magnifique, pas froid du tout, c'était vraiment une soirée et une nuit magnifiques. On avait aussi organisé une signature de livres avec de jeunes écrivains, avec une exposition d'un peintre lissier de tapisserie, dans un autre local on avait exposé des peintures, enfin tout cela pour lancer le moulin en tant que lieu culturel ouvert à la région et à tous ceux qui aimeraient en profiter. Alors après, on a fait beaucoup de manifestations dans l'île, de grandes fêtes, de kermesses, toute une activité dans cette île qui était vraiment superbe. [14:30] Après on est passé très vite aussi au cinéma. Parmi les premiers écrivains à s'être installés au moulin pour un court ou long séjour ça a été Maurice Pons, qui n'a pas quitté le moulin sauf pour de brèves excursions ailleurs, mais qui y a passé la majeure partie de sa vie. Il est mort il y a 2 ans. Il a écrit à peu près les 9 dixièmes de son oeuvre au moulin d'Andé, dont certains ont été inspirés par le fleuve. Je me souviens d'un jour où on était à table, à l'époque le moulin était beaucoup plus petit, et il y a les gendarmes qui viennent en disant "Il paraît qu'il y a un cadavre au bout de l'île". Ah ? bon... Alors bon, on était à table, et puis donc ils font appel aux pompiers avec les barques spéciales. Et effectivement, je les revois encore comme si c'était aujourd'hui, tirant le cadavre par sa cravate qui s'était accrochée dans les herbes au bout de l'île ! Et ça a été je crois le fait déclencheur pour Maurice Pons pour écrire Mademoiselle BMademoiselle B c'est l'histoire d'un écrivain qui s'aperçoit que tout autour de lui les gens disparaissent : ou ils se noient, ou ils se pendent, ou ils disparaissent complètement... Voilà c'est donc le cadavre dans le fleuve qui l'a inspiré : une oeuvre totalement née de la Seine. Et après il y a eu Bernard Queysanne, qui est un cinéaste, et qui a tourné aussi Mademoiselle B, ça c'était un peu plus tard, d'après le livre de Maurice Pons. [16:36] Pour remonter encore un peu avant, il y a eu L'Homme du fleuve qui a été tourné ici : le film de Jean-Pierre Prévost, et tout se passait sur la Seine. D'abord dans l'île, et c'était l'île du moulin en l'occurrence. C'est l'histoire d'un couple qui a une fille d'une dizaine d'années mais ils veulent vivre loin de la ville, loin de tout, donc ils se sont réfugiés dans une île et ils vivent en autonomie presque totale, et un jour les gendarmes viennent en disant qu'il faut que cet enfant aille à l'école, c'est obligatoire, etc. Le ton monte, des échanges de feu, et finalement la femme est tuée, le gendarme... et le père s'enfuit avec sa petite fille. Et tout le film se passe sur la Seine, puisqu'il se réfugie dans des péniches qui transportent des voitures, et il y a des courses-poursuites entre les voitures. Donc une partie tournée aux écluses.Enfin c'était vraiment L'Homme du fleuve : c'est fleuve qui était presque le personnage principal on peut dire. Et puis à l'époque, ma fille qui était toute jeune, qui avait 20 ans, a participé à ce film, comme assistante, et c'est comme ça que sa carrière a commencé, avant d'être sa carrière à part entière : Christine Lipinska. Et elle elle a tourné ici Je suis Pierre Rivière. Enfin ici... tout à fait dans la région proche, un peu dans l'île aussi, certaines vues prises dans le moulin, et puis dans toute la région... à Surville aussi mais bon ça c'était moins au bord de la Seine. Et puis le film alors où le fleuve a aussi une très grande importance, c'estLe Combat dans l'île, d'Alain Cavelier. Le film a été vraiment d'abord écrit ici et inspiré par les lieux même, d'où le titre du film "le combat dans l'île", qui se termine par une poursuite entre les deux hommes. En fait c'est déjà le trio avec deux hommes, une femme, et là très politique avec Cavalier... c'est-à-dire l'extrême droite et le soutien de l'autre côté à la guerre d'Algérie, etc. Avec Romy Schneider et il y a quelques photos que vous pourrez voir dans la salle de la meule. Donc ils avaient tourné beaucoup... évidemment quand on voit le film, on voit beaucoup le fleuve, mais on voit le moulin qui n'est pas tout à fait comme aujourd'hui, puisque ça a été beaucoup construit : il y a deux bâtiments qui ont été réunis, donc à l'époque c'était tout ouvert, donc c'était une très grande cour disons, où les voitures pouvaient venir sans problème. [20:18] Et il y a aussi quand même le plus prestigieux, c'est toujours Jules et Jim de Truffaut. Avant Jules et Jim il y a eu Les Quatre cents coups de Truffaut. Il n'y a pas beaucoup sur la Seine, mais il y a quand même si, des vues du moulin où on aperçoit un peu la Seine. Mais dans Jules et Jim on le voit beaucoup puisque c'est le moulin que le couple achète. C'est un peu toute la fin du film. Et là il y a la scène aussi, où la voiture se jette dans la Seine. Là ce n'était pas au moulin puisqu'il fallait un pont coupé, donc c'est du côté de Rolleboise, par là, on, c'était un pont qui n'avait pas été reconstruit, où il y a cette vue. Il y a aussi on voit... C'est Henri Serre qui s'échappe, qui saute par une fenêtre pour échapper à la menace de Jeanne Moreau. On le voit sauter d'une fenêtre et se retrouver aussi dans l'île pour lui échapper. Enfin, il y a pas mal de scènes où la Seine est présente. Tout dépend de l'orthographe ! [21:50] Après j'ai des souvenirs plus récents... Ah oui, un jour, je revenais de courses ou je ne sais pas d'où, et puis je vois beaucoup de journalistes dans la cour. On me dit "Oui c'est Carné qui est là". Alors pour moi Carné, c'était Les Enfants du Paradis, quand j'étais jeune c'était un vieux monsieur qui avait tourné Les Enfants du Paradis. Je dis "Ce n'est pas possible" : ma première réaction, c'est de dire Tiens, un homonyme ! Non non : c'était Carné, qui devait avoir dans les 90 ans à l'époque, et il devait tourner une nouvelle de Maupassant, Mouche. Et ça avait été très loin, comme préparation du tournage, et avec l'appui de toute la région, des pouvoirs publics... Il avait besoin d'un garage à bateau, enfin là où on met les barques à l'abri. Alors il voulait même le construire ici... donc c'était la préparation de Mouche. Et puis finalement ça ne s'est jamais fait parce qu'il a eu affaire, je crois, à un escroc du point de vue producteur, qui était italien, qui est parti avec des sommes déjà avancées, donc Mouche ne s'est pas tourné ici, puis il est mort peu de temps après d'ailleurs. [23:26] Ah oui alors des choses amusantes : un jour on a vu débarquer des Indiens. Alors des Indiens avec leur... je ne sais plus comment ça s'appelle, des vrais Indiens, ce n'e sont pas des pirogues, les pirogues c'est en Afrique... C'est des yoles je crois, décorées, avec des Indiens superbes avec leurs plumes, leurs atours... En fait ils avaient débarqué au Havre et ils remontaient jusqu'à Paris pour des grandes fêtes au Musée de l'Homme. Je ne saurais pas dire à quelle époque c'était, mais c'est parmi les souvenirs de voir tous ces Indiens. C'était assez sympathique. Une autre fois je vois aussi débarquer beaucoup de journalistes qui disent "On attend Procter". Alors Procter, c'était un géant de la grande distribution aux États-Unis, Procter and Gamble, et alors c'était Monsieur Procter qui traversait toute la France depuis aussi je crois Le Havre par les voies navigables aussi bien la Seine que les canaux. Il devait traverser toute la Seine, donc c'était tout un reportage fait sur lui donc ça allait faire des belles pages de photos dans dans les magazines américains. 25:13 Si vous voulez pour moi la Seine c'est fondamental. La Seine et le moulin ça ne fait qu'un pour moi et ma vie, le moulin et la Seine ça ne fait qu'un. C'est une trilogie. Mais surtout il y a ce patrimoine du moulin qui est exceptionnel mais bien sûr je voudrais le préserver avant toute chose, mais essentiellement pour que aussi tout ce qui s'est développé en maintenant 60 ans d'activité pour que ça puisse continuer après moi. Donc là on est en train de constituer à fond de dotation auquel j'apporterai la propriété, destiné à protéger d'une part le bâtiment, mais à assurer aussi la continuité de toutes les activités culturelles qu'on a développées. Aujourd'hui, bon, je dis après moi, je voudrais que ce lieu reste utile culturellement, socialement et humainement. Et là, il faut un peu la participation de tous ceux qui ont à cœur de voir perdurer une belle aventure. Parce que d'un tout petit moulin on a fait un grand moulin où il y a beaucoup d'activités. Autour du cinéma bien sûr : on est de nouveau depuis 20 ans le Centre des écritures cinématographiques. Il y a tous les jeunes scénaristes qui sont sélectionnés et qui viennent travailler. Vous voyez par exemple, pour l'année 2019 on a reçu 273 projets de films. Et il y a 10 sélectionnés, donc on peut penser à chaque fois je me dis tiens, est-ce qu'il n'y aurait pas les Truffaut de demain dans le lot ? bien sûr... [27:15] Et puis la musique qui est très très présente depuis essentiellement 1983, moment où on avait jusqu'à cent concerts par an, ce qui est énorme. Parce que si on sort un petit peu du cercle de la Seine, on a récupéré la propriété qui jouxtait le moulin, dans laquelle il y avait un jardin d'hiver qui a été transformé en théâtre et qui a été inauguré en 1963. Alors ça a été une activité autour de théâtre, et puis une activité autour de la musique. Et ça continue avec des concerts, des stages de musique, des journées aussi autour de tout ce qui est musical, et puis on essaye aussi de rejoindre cinéma et musique, puisque dans tout film il y a de la musique. Donc on reçoit aussi des compositeurs de musique de film. Donc comme je dis, les deux mamelles du moulin, pour l'instant, c'est la musique et le cinéma. Mais on reçoit aussi à titre individuel des écrivains qui viennent travailler à leurs livres et puis en accueil de groupes il y a beaucoup de développement personnel, parce qu'ils trouvent ici une convivialité, une beauté des lieux qui est particulièrement favorable à un ressourcement disons. On se rend compte qu'il ya beaucoup de gens qui ont besoin d'aide psychologique. Et puis on reçoit beaucoup d'universitaires aussi, de chercheurs, de formateurs, des universités... Paris-Dauphine, Paris VIII, Diderot... Ils apprécient aussi beaucoup... Et là en ce moment par exemple, on a Next Step :c'est une émanation du Festival de Cannes, de la Semaine de la critique, et ce sont des jeunes scénaristes qui sont choisi par eux et qui passent une semaine ici pour passer comme son nom l'indique du court-métrage au long-métrage. Donc ils sont une vingtaine la semaine, et ça fait la cinquième année qu'ils viennent régulièrement. Ce sont des activités que je trouve utiles. Et mon souhait, alors bon, j'extrapole encore, ça serait qu'on ait une salle de plus parce qu'il manque une grande salle. Le théâtre est trop souvent occupé par des groupes par exemple de développement personnel ou d'autres, donc ça nous empêche souvent d'avoir autant de concerts qu'on en avait il y a quelques années. On aurait besoin, pour harmoniser tous les différents paramètres du moulin, d'une salle de plus mais ça, ça devient déjà de l'investissement à long terme. Mais je ne doute pas qu'un jour il y aura un mécène qui dira mais c'est rien, c'est rien pour moi, je vous fait un salle. Ce qui me fait mal au cœur c'est de ne pas pouvoir accepter tout ce qu'on me propose, de résidences, de troupes de théâtre, de musique... Parce qu'il n'y a pas assez de place, entre tous les bâtiments qu'on a pu récupérer, puis les agrandissements qu'on a pu faire, on peut accueillir jusqu'à 70 personnes. Ce qui est quand même un maximum. Bien rangé.

[31:19]
Livre d'or du moulin d'Andé

Alors Maurice Pons dont je vous ai parlé a tenu depuis l'origine, jusqu'à sa mort il y a deux ans, ce qu'on a appelé des livres d'or, à tort d'ailleurs parce que ce n'est pas "Merci beaucoup c'était sympathique, on va revenir"... Non. Ce sont des recueils, vraiment des livres d'artistes, où sont consignés les souvenirs aussi bien des grandes manifestations, des grands personnages... Il y a des des manuscrits, il y a des lettres manuscrites, il y a des photos, il y a des articles de journaux... qui relatent un peu toute la vie du tout la vie du moulin. Donc il y a cinq livres d'or, ça fait près de 1000 pages. Et mon souhait ça serait aussi que ces livres d'or soient édités, parce que c'est toute la vie du moulin qui est mise en valeur. [32:23] Ça, c'est l'écriture de Maurice Pons. Il avait fait chaque page, enfin le répertoire je ne sais pas comment dire... Première soirée, les premiers écrivains qui sont venus travailler ici, dont René de Obaldia dont on va fêter les 100 ans ici. On a des dessins de Wolinski... Alors au début il y avait surtout des écrivains qui venaient à titre individuel parce que comme il y avait très peu de possibilités d'accueil de chambres, il n'y avait pas grand monde. Spitzer, qui est un peintre formidable, qui a été déporté et qui a survécu aux camps grâce à son talent déjà tout jeune, je crois qu'il avait 15 ans, il faisait les portraits des Allemands, moyennant quoi il recevait une pomme de terre ou un morceau de pain... Le journaliste Jean Lacouture... Alors voilà le premier film long-métrage de Truffaut, Les Quatre cents coups, avec Jean-Pierre Léaud, film tourné dans notre région. Ça, c'était une pièce qu'avait écrite Maurice Pons... Les livres écrits ici... Jean-Paul Rappeneau, qui a écrit tous ses premiers scénarios ici aussi. Mendès-France, qui était un voisin. Un moment on avait même une poterie. Et il y a toujours un bâtiment qu'on appelle la poterie, parce qu'il y a avait des potiers qui s'étaient installés. On ajoutait toujours une activité. Là on passe à Jules et Jim... Donc Oskar Werner, avec Henri Serre, avec Jeanne Moreau au milieu. La photo que vous avez vue... Ah là c'est même moi, là, dans Jules et Jim. Il faut bien regarder, hein, parce que sinon on ne voit pas !  Ça, c'est Jérôme Enrico, qui est le fils de Robert Enrico le cinéaste. Aujourd'hui il dirige l'école de cinéma l'ESEC. Il vient aussi avec ses élèves. Là il y a donc Romy Schneider et Henri Serre dans Le Combat dans l'île. Là c'est toujours dans cette pièce qu'on a vue tout à l'heure. Donc Le Combat dans l'île qui se poursuit dans l'île du moulin. Alain Cavalier qui termine son scénario. C'était en 1963, et là il l'a resigné en 2015. Il est toujours très fidèle. Marie Laforet, La fille aux yeux d'or... qui ne manque pas d'humour. Ah il y a eu Roger Corman aussi qui a tourné ici. Donc forcément, quand ils tournaient au moulin, il y avait des vues sur la Seine, ça c'est sûr. [37:24] Georges Perec, qui a même habité 5 ans ici. Les fêtes à l'occasion de la sortie des films. Les Temps modernes. Pas mal de comédiens... Bernard Fresson. Ça, c'est moi avec Maurice Pons en train d'accrocher la toile de jute sur le plafond du théâtre. Voilà le théâtre tel qu'il était à l'époque aussi. Alors maintenant il y a cette salle, voilà, qui l'a doublé. L'inauguration du lieu en tant que théâtre. 1964... Voyez, si on fait jusqu'à maintenant vous n'êtes pas pas parti ! 

[38:38]
Un balcon sur la Seine

...qui est magnifique. Et puis là, vraiment, ce sont deux propriétés qui sont réunies et qui forment ce qu'on appelle aujourd'hui le moulin d'Andé. Le moulin d'Andé, c'était l'industrie du village, et puis cette autre propriété, qui appartenait à un banquier polonais, était une propriété un peu de prestige. Et à l'époque, c'et-à-dire il y a un siècle, il avait par exemple sa maison sur la terrasse tout en haut de la colline. Je crois que c'était la Villa Mon Plaisir ou quelque chose comme ça, et il avait fait creuser une route depuis le haut de la colline jusqu'à La Seine pour pouvoir aller pêcher en voiture... les premières voitures. Et il paraît qu'il y a eu 200 ouvriers italiens qui ont participé à ce creusement dans la colline. C'est un travail pharaonique, ça a été repéré comme exceptionnel. Donc ça fait partie aussi maintenant du patrimoine historique, et notamment à cause de tous les faux bois qu'il y a. Le travail des rocailleurs, aussi bien des ponts, des kiosques, des balustrades... et c'est un travail formidable. Alors je me souviens qu'à un moment il y a eu un séminaire des rocailleurs à Paris. On m'avait invitée, oh je me disais il y aura bien 15 personnes... Oh, il y avait au moins 300 personnes ! Il y avait un monde fou. Et à cette occasion on nous avait fait visiter les Buttes-Chaumont où il y a aussi beaucoup de faux bois. Et on a pu constater que ceux d'Andé étaient d'une facture beaucoup plus fine, c'était vraiment des artistes extraordinaires, avec une précision. Alors là aussi bien sûr, si on trouve un mécène, réparons, réparons ! Mais on a des devis, et puis il n'y a pas beaucoup de monde qui fait ça... Il y en a paraît-il dans le centre de la France... Il était même question peut-être de créer une espèce de diplôme sur ce travail des rocailleurs, peut-être en inscrire comme artisanat à développer. Il y a un petit kiosque par exemple, qui est au bord de la falaise, là. Il est soutenu par huit troncs, et chaque tronc représente une essence différente d'arbre. Il y a des petites marches qui partent de chaque côté, eh bien les contremarches sont aussi des écorces d'arbres différents. Et c''est quand même assez extraordinaire comme finesse de travail, comme recherche. C'est un genre de ciment... Mais c'est tout ce qu'on peut dire parce que c'est pas du ciment, c'était un matériau qui a été créé... La technique je ne la connais pas bien, mais il y a environ un siècle, et il fallait que ça soit assez dur pour le sculpter, en même temps si c'est trop liquide tout coule, alors c'est un matériau assez spécial, un peu voisin du ciment mais ce n'est pas du ciment. C'est un matériau qui a été inventé.

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