Témoignage

M. Jean-Pierre BINAY
président de la Société d'études diverses de Louviers (SED)

M. Guy DUCHEMIN
propriétaire d'un ancien moulin à tan à Louviers

Mme Lucette DUCHEMIN
propriétaire d'un ancien moulin à tan à Louviers

M. Thomas GUERIN
archéologue et membre de la Société d'études diverses de Louviers (SED)

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[00:17] JPB Bonjour, Jean-Pierre BINAY, je suis le président de la Société d'Études Diverses de Louviers et sa région (SED), qui est ce qu'on appelait autrefois une société savante, une société qui actuellement s'occupe essentiellement de promouvoir, de préserver le patrimoine local et puis aussi de faire connaître l'histoire locale, et donc on est amenés à faire des recherches dans ce domaine. On a étudié la rivière depuis une dizaine d'années en particulier puisqu'elle joue un rôle déterminant dans l'existence même de la ville.
[00:45] TG Thomas GUÉRIN, je suis secrétaire adjoint de la Société d'Études Diverses, et archéologue médiéviste également.

[00:52] JPB JPB On se trouve ici dans un endroit qu'on appelle un peu à tort le jardin de Bigard mais le vrai nom ce serait plutôt le jardin de la Londe puisque c'est le nom du bras de rivière qui traverse, et dont on entend le bruit dernière nous, et ce bras de rivière est un des deux bras qui traversent la ville et qui irrigue alors peut-être depuis la période gallo-romaine, ce que mon collègue va vous préciser.
TG Oui au sujet de l'Eure en fait, l'Eure c'est une rivière dont le nom un petit peu comme pour la Seine en fait est probablement hérité du dieu que les Celtes pensaient trouver dans le cours de la rivière, donc pour la Seine c'était la déesse Sequana, pour l'Eure c'est probablement le même schéma donc c'est un lieu qui est un lieu naturel qui structurant et qui entraîne déjà peut-être probablement un culte dès des périodes très anciennes. On sait qu'à l'époque néolithique il y a déjà une activité autour de l'Eure puisque notamment lorsque l'autoroute a été construite du côté de la Villette au-dessus de Louviers on a découvert des vestiges qui remontent au Néolithique. On savait qu'il y avait déjà eu une occupation puisqu'il y avait un menhir qui avait été déjà déplacé à l'époque où le chemin de fer, et puis quelques fouilles archéologiques du côté d'Incarville ont permis de mettre en évidence des pêcheries de la fin de la préhistoire donc Néolithique peut-être protohistoire également avec l'implantation des Gaulois donc l'Eure c'est un lieu d'activité depuis des temps immémoriaux et durant l'Antiquité on s'aperçoit qu'à Incarville encore il y a probablement des ateliers de poterie qui sont mis en place, qui exportent apparemment assez loin parce qu'on a trouvé des productions d'Incarville jusqu'à en Angleterre. Et puis à Louviers même les fouilles archéologiques de la rue Saint-Jean ont montré qu'il y avait des entrepôts gallo-romains, donc probablement une activité autour de la rivière, avec peut-être déjà de la batellerie de l'acheminement de denrées à la fois peut-être des matières premières mais aussi les denrées finies comme des poteries ou ce genre de chose qui transitent par la rivière. Donc pour la période gallo-romaine voilà ce qu'on peut dire. Il est très probable que si on part du principe que les bras qui traversent Louviers sont artificiels, il est très probable que ce soit les Gallo-Romains qui les aient creusés comme ce fut le cas à Évreux. Donc on est dans un environnement où la rivière est maîtrisée déjà depuis très très longtemps, depuis de nombreuses siècles, et mis à profit l'activité humaine.
[03:27] JPB En tout cas pour ce qui concerne Louviers, il est attesté dès le Xe siècle qu'il y a à Louviers des moulins qui sont installés dans plusieurs endroits de la rivière puisque entre autres un de ces moulins est donné par le duc normand régnant à l'abbaye de Saint-Taurin qui était l'abbaye d'Évreux. Donc à travers ce document, on sait déjà qu'il y a à Louviers, dès le Xe siècle et en tout cas très certainement au début du XIe siècle des moulins à Louviers. Et là on est sur un site où justement on trouvait de ces moulins. On pourra voir tout à l'heure qu'il en reste quelques vestiges. Donc ce sont des moulins qu'on appelle des moulins seigneuriaux c'est-à-dire des moulins où les paysans des alentours sont obligés de venir moudre leur grain contre une part du produit résultant qu'il devait au Seigneur. À la Révolution, ces moulins sont en général acquis par des notables lovériens, qui ensuite les revendent pour être transformés et utilisés comme source d'énergie par l'industrie majeure de Louviers qui est l'industrie drapière et dont on va parler abondamment à chaque fois qu'on va suivre les bras de la rivière ici. C'est l'industrie drapière lovérienne qui a besoin, comme toute l'industrie drapière, d'énergie. Alors à Louviers ça tombe bien il y a l'énergie hydraulique, dans d'autres endroits on va utiliser l'énergie animale par exemple les chevaux, et puis surtout à partir du début du XIXe siècle l'énergie de la vapeur, ce qui n'est pas le cas à Louviers où pendant tout le XIXe siècle et même une bonne partie du XXe siècle on continuait à utiliser l'énergie hydraulique comme source principale d'énergie. Et donc ça justifie le rôle très important de la rivière encore, dans ce contexte-là. [05:12] Donc ce bras de la Londe nous offre l'occasion d'expliquer un peu comment fonctionnait ces moulins. Il y a un bras principal qui alimente la roue du moulin, et puis il y a un bras qu'on appelle le bras de décharge qui permet de réguler les quantités d'eau qui arrivent sur le moulin. Donc le bras qu'on voit tout de suite sur l'image c'est ce qu'on appelle le bras de décharge, et vous voyez au fond de l'image les vannages qui permettent de réguler justement ces quantités d'eau qui vont l'une sur le moulin et sur la roue du moulin et l'autre dans le bras de décharge.

[05:49] JPB Ici on est dans un endroit qui permet d'évoquer deux aspects de la vie lovérienne : un aspect très important d'utilisation de la rivière c'est la navigation. Et ici on est sur un lieu qui s'appelle le quai de Bigard qui s'appelait autrefois le quai de l'archevêque, c'était le port de Louviers. C'était là que s'arrêtaient donc les barges, les bateaux, les barques qui déchargeaient des marchandises ou qui en chargeaient à Louviers. Et donc ce bras c'est le bras navigable, on le retrouvera dans d'autres circonstances, à un autre moment, c'est le bras navigable de Louviers. Et puis on peut aussi évoquer un autre aspect c'est les fortifications du pied, et c'est ce que va faire mon collègue à propos de la Guerre de Cent Ans.
[06:27] TG Oui parce que effectivement si on est ici sur le port de Louviers, il faut savoir que c'est un port depuis très longtemps et que le quai de Bigard ou le quai de l'archevêque donnait sur les fortifications et à cet endroit, c'est l'endroit qu'on appelle encore aujourd'hui la porte de l'eau, donc en fait c'était une ouverture dans les remparts et qui permettait de rentrer dans la ville en passant par un bac qui permettait de franchir les deux rives et c'est resté très longtemps comme ça puisque jusqu'au XIXème siècle.
JPB Il y avait un bac encore en 1810.
TG Exactement, et donc du coup en fait, cette porte, qui était ni plus ni moins qu'une grande ouverture dans les remparts, était un secteur très animé de Louviers et permettait donc justement aux bateaux qui remontaient et ou qui descendaient l'Eure de s'y arrêter, à la fois pour le commerce mais aussi pour la guerre, puisque on sait que lors du siège de Louviers en 1431, les machines de guerre qui sont employées contre la ville descendent par voie d'eau depuis Rouen, puisqu'elles sont mises sur des bateaux elles descendent jusqu'ici. Et quelques semaines avant la reddition Louviers, les Anglais décident même de faire venir un pont mobile pour le jeter à travers la rivière et pouvoir attaquer probablement ce côté-ci du rempart en passant par-dessus l'eau, qui pour le coup était bien utile aux Lovériens puisque ça servait également à la défense.

[07:46] JPB Donc la chute d'eau qu'on vient de voir en fait elle détourne l'eau d'une installation importante qui se trouve à l'intérieur de ce bâtiment qu'on appelle le pavillon Novarina parce qu'il a été construit en 1942-1945 par l'architecte Novarina, et ce bâtiment contient un générateur et sous le bâtiment une énorme turbine qui permettait lorsqu'il fonctionnait de produire deux millions de kW/h par an. Depuis plusieurs années hélas cet équipement est arrêté, c'est pourquoi vous avez vu que l'eau du bras de décharge est complètement justement détournée de cette machinerie, de cette turbine. Donc c'est de l'énergie gaspillée comme vous pouvez le voir. J'ajouterais qu'ici on est sur ce qu'on appelle les bras extérieurs de la rivière, on a vu tout à l'heure les bras intérieurs de la ville, et ici on est sur les bras qui contournent la rivière et qu'on retrouvera plus tard. [08:48] Donc ces différents bras de rivière, cette chute d'eau, permettent de vérifier ou de constater que l'Eure ça n'est pas une petite rivière, surtout à l'approche de sa confluence avec la Seine. Ici à Louviers on a un débit moyen de 20 mètres cubes seconde au cours de l'année.

[09:12] JPB On est devant un bâtiment qui est un des derniers vestiges de l'investissement de tout ce secteur par l'industrie textile au début du XIXe siècle. Depuis le Moyen Âge, il y a ici sur ce secteur qu'on appelle la base Villette cinq moulins seigneuriaux qui tournent comme on l'a déjà signalé, et ces moulins seigneuriaux donc, après la Révolution, sont achetés d'abord par les bourgeois lovériens rien puis revendus à des industriels, certains qui viennent d'Elbeuf, des industriels locaux, aussi des industriels qui viennent de la région rouennaise et sont installés ici cinq unités de production de draps et ce qu'on voit derrière nous c'est un moulin à blé, mais il succède à des usines textiles qui occupaient tout le secteur jusqu'au milieu, jusqu'à la fin du XIXème siècle.

[09:58] JPB C'est une des chutes, c'est la chute d'eau même, dont on peut considérer qu'elle a été la première à être utilisée dans l'industrie textile. À la fin du XVIIIe siècle, en 1784, un consortium de drapiers s'organise pour utiliser cette chute d'eau avec des machines hydrauliques qui entraînent des machines toutes nouvelles, les mule-jenny, qui permettent donc de filer, pour commencer de filer du coton, puis plus tard pour filer la laine, et cette industrie en raison justement de son aspect différent des autres installations qui fonctionnait toutes à la force humaine s'appellera la mécanique. Et donc c'est pour ça que je vous ai amené ici parce que cette chute d'eau a un caractère vraiment historique d'autant qu'une partie des bâtiments qui restent, et en particulier le pilier central là vous voyez, il date très probablement de la période de construction, donc il y a un peu plus de deux siècles, de cette première usine hydraulique à Louviers. [10:56] On voit cette chute sous un autre angle, et ça me donne l'occasion de vous raconter une autre histoire plus ancienne que la précédente : au début du XVe siècle, le seigneur de Bigard, qui est le propriétaire des deux moulins qui se trouvent à cet emplacement-là, décide d'en transformer un qui est un moulin à blé en moulin à foulon, or l'activité de foulonnage c'est une étape importante dans la fabrication du drap de laine, ça consiste à pétrir dans de l'eau chaude savonneuse puis à laver à rincer plusieurs fois les pièces de draps de façon à les assouplir et à les rendre plus moelleuses. Cette activité se faisait, et s'est même faite encore jusqu'au milieu du XVIe siècle, par des fouleurs à pied, c'est-à-dire des gens qui avec leurs pieds comme on foule le raisin piétinaient toute la journée ces pièces de draps. Or le seigneur de Bigard donc décide, précisément en 1405, de transformer l'un de ses moulins de moulin à blé en moulin à foulon, c'est-à-dire que cette fois-ci ce sont les bras des marteaux du moulin qui vont transformer, pétrir le drap de laine. Évidemment les pauvres fouleurs à pied se trouvent à pied, c'est le cas de le dire, et ils vont protester il va y avoir pratiquement une révolte qui va même conduire le seigneur de Bigard à transférer son moulin un petit peu plus loin voire même ses activités, ce qui fait qu'on pense que comme il était en même temps seigneur de La Londe il est allé installer une partie de ses activités drapières à la Londe et c'est de cette installation que serait né le drap d'Elbeuf qui est un drap concurrent du drap de Louviers. C'est peut-être qu'une légende hein. Pour revenir à l'installation de la fin du XVIIIe, lorsque les machines hydrauliques ont été installées et que la mécanique a fonctionné, évidemment ça a privé de travail un certain nombre de fileuses, surtout quand le filage est passé au filage de la laine, et là encore on a des manifestations ouvrières, de femmes entre autres, pour protester contre l'installation de ces machines qui privent les gens de travail.

[12:50] TG Alors du coup on est au cœur du faubourg Saint-Germain ici, on n'est pas très très loin de l'église du même nom qui était également le cœur d'un fief très important à Louviers, donc le fief des Bigard au Moyen-Âge. Alors ce qui est intéressant c'est que Saint-Germain c'est une dédicace qui est donnée à de très anciens lieux de culte qui se situent en général près de l'eau. Donc en fait avoir une église Saint-Germain près du bras de l'Eure c'est tout à fait normal, en général Saint-Germain c'est près de la rivière et Saint-Martin près de la route. Et donc du coup face à l'église Saint-Germain, sur l'île qui est derrière nous, on avait autrefois le manoir seigneurial des Bigard, donc qui ont habité ce manoir pendant longtemps, jusqu'à la Guerre de Cent Ans, puisque durant la Guerre de Cent Ans et probablement durant le grand siège de Louviers de 1431, à l'issue du siège le manoir est ruiné, probablement brûlé, il est peut-être utilisé par les Anglais comme cantonnement temporaire, en tout cas toujours est-il qu'en 1431 il est ruiné, ce qui conduit les Bigard donc à disposer d'autres lieu d'habitation ailleurs dans les seigneuries et puis finalement au cours du XVIIe siècle à venir s'installer plutôt dans Louviers.

[14:00] JPB Ici on se trouve au sud de Louviers, c'est-à-dire au point de l'arrivée de la rivière dans son territoire de la ville. Et ce site, qu'on appelle le site de la Motte, du nom d'une ancienne ferme qui a disparu maintenant était autrefois le siège de ce qu'on appelle une porte marinière, c'est-à-dire un endroit où comme vous le voyez il y a une chute d'eau qui était à l'époque moins importante qu'elle ne l'est maintenant, et qui était délicate à passer donc elle était aménagée, et puisqu'elle était aménagée il fallait bien un aménageur et quelqu'un qui en serait responsable et c'était le seigneur du lieu. Donc ici on l'appelait la porte de Hauteville ou la porte des Jonquets, et elle était la propriété du seigneur de Hauteville, du seigneur du lieu et il était tenu de l'aménager c'est-à-dire de la rendre facilement passable pour les navires. En fait on l'aménageait en installant en particulier le fond de la porte de façon à ce que le fond des bateaux puisse passer sans toucher. Ces chutes ne sont pas utilisées par des moulins jusqu'au début du XIXe siècle où alors là les industriels locaux toujours s'installent en particulier sur un site là-bas, que vous voyez, qu'on va peut-être pouvoir aller voir d'un peu plus près tout à l'heure qu'on appelle l'usine de la Motte et où là on utilise la force de cette chute d'eau pour faire fonctionner l'industrie textile. [15:13] Donc ici on est sur le site de l'usine de la Motte, une des dernières usines textile qui a fonctionné à Louviers jusque dans les années 1980 et qui fabriquait elle aussi du tissu de laine ou drap de laine. Et c'est assez intéressant parce que vous voyez que l'usine est construite sur le bras de rivière et les deux tunnels que l'on peut voir en fait abritaient chacun une roue et puis à la fin de l'existence de l'usine des turbines qui entraînaient des moteurs électriques, qui permettaient à l'usine d'avoir sa propre source d'énergie. [15:39] Là on est devant une friche industrielle, la dernière si on peut dire de Louviers puisque c'est l'usine des Rhédiers que les gens connaissent plus sous le nom de Audresset, c'est la dernière entreprise qui a fabriqué en fait ici du fil de haute valeur qui était utilisé par la haute couture. Elle a fermé en 2002 et c'est devenu une friche qui a été incendiée une ou deux fois et donc maintenant il n'en reste que ce bâtiment principal sur lequel on voit en particulier au fronton non pas un mouton comme croient les gens mais une chèvre, une chèvre cachemire puisque l'une des spécialités de la maison c'était de fabriquer du fil cachemire.

[16:12] JPB Ici on a une vue sur la rivière dans toute sa plénitude si je puis dire puisque sur la droite on a le bras qui était le bras de navigation, sur la gauche le bras qui était le bras qui alimentait les moulins qu'on trouvait sur l'île des Jonquets qui est donc l'île qu'on voit au centre de l'image. On y distingue encore des établissements industriels : c'est les anciens établissements Wonder qui se sont installés donc sur cet emplacement de moulin qui existe depuis qu'ils sont attestés, depuis le Moyen Âge. Alors est-ce qu'on parle de navigation ? C'était des bateaux assez importants qui naviguaient depuis Chartres jusqu'à la Seine, puisque certains de ces bateaux pouvaient jauger jusqu'à 80 tonnes. Et donc certains de ces bateaux faisaient une vingtaine de mètres de long sur 3, 4 à 5 mètres de large. Il y a avait aussi des bateaux plus petits, des barques, etc., mais les bateaux qui permettaient le transport de marchandises, qu'on appelait, qui ressemblaient un peu au besognes de la Seine en plus petit c'était le même principe c'est des bateaux qui étaient halés par des chevaux. Les bateaux qui naviguaient; des bateaux d'une certaine importance, s'appelaient des cabotières. On en a encore quelques exemplaires, tout au moins des reproductions en particulier au musée de Dreux. [17:20] Ici on est devant un des exemples de ces 21 bras de la rivière qui alimente la ville et qui sans doute justifie aussi son importance, c'est le bras dit de Saint-Taurin qu'on retrouvera peut-être tout à l'heure avec un des plus anciens sites de moulins de Louviers. Donc ce petit bras de Saint-Taurin qui part du bras principal et qui va le retrouver un petit peu plus bas dans la ville. [17:43] Ici on est à un endroit assez important puisqu'au début du XIXe siècle, en 1806 plus précisément, on creuse un canal qui détourne complètement la circulation des bateaux du centre de la ville. Le bras qui va vers la gauche c'est donc celui qui alimentait la ville et qui servait à la navigation autrefois, et puis celui qu'on voit filer tout droit c'est donc le canal de 1100 mètres de long qui a été creusé au début du XIXe siècle. Ce canal qui évite complètement la ville et qui reporte donc la circulation à l'extérieur de Louviers. Il fallait donc que, puisqu'il n'y avait plus de port dans Louviers, en installer un nouveau, et ce port il était installé comme on l'a aperçu tout à l'heure, au contraire à l'entrée sud de la ville, alors qu'autrefois le port était en fait pratiquement dans la ville.

[18:25] JPB Ici on est sur le site du moulin peut-être le plus ancien de Louviers, en tout cas qui est attesté dès la fin du Xe siècle puisqu'il figure dans une charte par laquelle le duc de Normandie, Richard Ier, donne ce moulin aux moines de l'abbaye de Saint-Taurin. Donc ce moulin porte ce nom de moulin de Saint-Taurin ou moulin de la Fontaine car on ne voit plus de moulin mais on voit encore les vannages, et même on peut distinguer sur le mur en brique de construction plus récente bien entendu que le moulin originel, on peut voir encore la trace du bâtiment qui avait été la roue de celui-là.

[19:07]] JPB Ici on est sur un lieu où on peut parler de beaucoup d'activités de la rivière. D'abord on est sur un bras qui s'appelle le bras de l'épervier, qui est le bras qui alimente les deux bras de la ville, le bras de la Londe et le bras de Fécamp qu'on pourra voir tout à l'heure. Et on y trouve donc différentes activités. Alors on est sur un pont qui s'appelle le Pont des quatre moulins, donc il n'y a pas besoin d'en dire plus. Et puis on voit au fond de l'image un bâtiment qui surplombe une partie de la rivière, c'est le bâtiment où se trouvaient les mécanismes d'un moulin très important qui s'appelle le moulin de l'Oison qui se trouve donc sur ce bras de l'épervier. Et puis on voit aussi deux autres sources d'activité : la halle qu'on voit on appelle ça la halle de la Poissonnerie, donc ça permet d'évoquer une autre activité très importante dans la rivière, c'était la pêcherie. Donc il y avait un peu partout sur le cours de la rivière des pêcheries, pour y pêcher des poissons qu'on trouve dans une rivière. Et puis enfin le quai qu'on aperçoit s'appelait le quai des lavandières, ça permet d'évoquer aussi une autre activité importante : ce travail des lavandières qui se faisait un peu partout sur la rivière, en particulier sur ce secteur ici, jusqu'au début du XXe siècle. On édifiait encore en 1810 dans un autre quartier de Louviers un lavoir. Les lavoirs je pense que jusqu'en 1950-1960 on utilise encore des lavoirs. 20:25On est toujours sur le Pont des quatre moulins, mais cette fois-ci on voit la rivière vers l'aval, et on y voit le bras de l'épervier qui se divise à gauche en bras de la Londe et à droite en bras de Fécamp.

[20:49]] LD Bonjour, Madame DUCHEMIN Lucette, nous avons la chance d'habiter ici, sur une petite étendue de terre avec de l'eau tout autour. Nous avons la chance de n'être pas loin du centre-ville, quand on a des enfants, l'école, le collège, le lycée, les courses, c'est appréciable, sans être très très près des autres, ce qui nous procure une tranquillité, avec des bruits mouillés, comme je l'aime.
[21:23]] GD Moi je m'appelle Guy DUCHEMIN, cette maison, j'ai dû l'avoir depuis des années, grâce en fait, je ne sais pas si c'est grâce mais parce que j'étais animateur de sécurité dans l'entreprise qui s'appelait Wonder, et comme ils aimaient avoir quelqu'un au niveau de la sécurité sur place, à temps complet j'ai eu cette maison.
LD Le cadre de vie ici est très très agréable. Nous n'avons plus d'inondations depuis 1982 je crois, parce que la rivière de l'Eure a été curée là tout au long et le vannage a été refait, ce qui fait que maintenant ça se règle tout seul et que nous ne sommes plus inondés. Nous n'avons jamais eu d'eau dans la maison, mais tout autour oui. L'usine était également inondée, les maisons un peu plus loin. Depuis ce vannage on est tranquilles, l'eau reste dans son lit, sagement, et nous la regardons couler.
GD Quand on est arrivés en fait, ça existait. L'eau coulait sous la cuisine, en fait c'est une voûte, c'est parce qu'en fait l'eau qui était trop importante d'un côté de la roue, donc le reste il y avait aussi un petit vannage qui levait et ça passait sous la maison, sous la cuisine. C'est un tremplin.
LD Il faut dire aussi que le bras des Jonquets est un bras ajouté. Il y a longtemps qu'il est fait parce qu'avant l'usine Wonder il y a eu, on a retrouvé, des pots en terre. Il y a eu une usine à potiers, on fabriquait les pots à beurre, les pots à œufs, les pots à lait, tous les pots à terre possibles et imaginables. Mais je crois avoir entendu dire que le bras des Jonquets est un bras ajouté, depuis combien de temps, sans doute très longtemps. Je n'affirme rien, vous vérifierez si ça vous intéresse.
[23:18] JPB C'est un site qui est occupé par des moulins depuis très longtemps puisque probablement dès le XIIIe siècle sur le site dit des Jonquets il y a deux moulins qui fonctionnent et qu'on retrouve tout au cours de l'histoire. D'ailleurs c'est sur l'emplacement de ces moulins que se sont installées les industries, puis finalement devenir l’usine Wonder qui était un gros bassin d'emploi pour la ville de Louviers et qui est voisine de l'endroit où on est. Et puis ici par contre c'est des équipements qui ont été comme on l'a vu tout à l'heure à l'usine de la Motte, qui ont été installés au début du XIXe siècle. Ici c'est un moulin à tan. À Louviers il y avait beaucoup de tanneries, et donc on avait besoin de tan, le tan c'est de la poudre qu'on obtient en pilonnant l'écorce du chêne, et donc ce moulin sa destination première ça a été d'être un moulin à tan. Il a fonctionné comme tel pendant de très nombreuses années. Il a fini à ma connaissance comme équipé avec une dynamo qui fournissait de l'électricité peut-être à l'usine Wonder, mais c'est sa dernière utilité. Et la roue est arrêtée depuis au moins 30 ou 40 ans.
LD Oh 40 ans oui. Il y a tous les rouages ici pour la remettre en route. C'est beaucoup de travail et mon mari est vieux, il ne se sent pas de le faire, mais c'est dommage parce que ce serait beau, ça pourrait être une idée aux visites du Patrimoine d'en faire profiter les gens, parce qu'à Louviers des roues qui tournent, je ne sais pas s'il en reste. Il n'y en a plus. Il y a quelques endroit où il y a encore des roues de moulins comme ça mais à l'arrêt. Et là le cadre est beau et ce serait intéressant. Pour le moment, on laisse tomber.
[25:02] GD Donc quand on est arrivés ici en fait il y avait une grande maison qui s'appelait la Maison du Passeur, en briques rouges, elle était superbe, elle faisait huit mètres de haut sur huit mètres de long, c'était incroyable elle était superbe, mais elle a été démolie. Et de là, c'est tout ce que vous voyez là, c'est qu'il y avait une roue, un bâtiment où tout était superposé. Il y avait le moteur en haut. Mais tout ça ils l'ont démonté. On n'a pas pu les avoir et ils ont voulu démonter cette maison que je voulais avoir, malheureusement, je ne l'ai pas eue.
JPB Donc la Maison du Passeur c'était probablement la maison de l'éclusier et peut-être aussi d'ailleurs la maison de l'octroi puisqu'ici on était proche du port de Louviers et que dès le début du XIXe siècle on s'est aperçu que la porte marinière était difficile à franchir pour les bateaux donc on a construit une écluse. Je n'ai pas trouvé, je ne sais pas exactement à quel endroit elle était mais il est attesté qu'il y avait une écluse et s'il y avait une écluse il y avait un éclusier donc un passeur qui assurait le fonctionnement de cette écluse. Et puis comme c'est une grande maison en brique ça pouvait être aussi peut-être le siège de l'octroi.
[26:14] GD Alors nous sommes là devant en fait un ouvrage qui a été fait en 2002, ce qui a permis de ne plus avoir d'inondations dans les cités et plus loin parce que l'eau sortait à partir de Pinterville. Ça allait dans les champs on était inondés. Depuis 2002, ils ont fait un déversoir naturel : depuis, on n'est plus inondés. Ce qui permet aux gens de venir en canoë, il y a une passe à poissons et il y a la passe pour les canoës.
[26:48] LD Le décor est très très beau. L'Eure là on remonte jusqu'à l'Iton, mais entre ici et l'Iton, notre fils qui est pêcheur et des amis de mon fils, remontent souvent et le cadre est tellement beau que même si on ne pêche pas de poisson, on revient heureux d'avoir vu la Normandie et la beauté qu'il peut y avoir ici.
GD Il y en a beaucoup.
LD Il y a des brochets, des perches, des carpes.
GD Le fiston les relâche à chaque fois. LD Oui. Des gros brochets comme ça, je n'exagère pas j'ai la photo.
GD L'eau là elle n'est pas tout à fait bien claire, mais dans un mois on voit le fond. Elle est très claire.
LD Quand il pleut moins, quand les pluies de l'hiver sont achevées, on est jusqu'à l'automne à peu près à avoir une eau très claire.
GD Très claire. À la même époque tous les ans.
LD Tous les ans en été nos petits-enfants pêchent et on voit les poissons.
JPB Donc là on voit le bras d'alimentation de la roue qu'on a vu tout à l'heure, qui est donc prélevé sur le bras principal, le bras de navigation, celui qu'on a vu au début du reportage. On ne peut pas le voir sur cette image mais un petit peu plus loin on ira voir la vanne tout à l'heure, il y a une deuxième partie de l'eau qui est dirigée sur ce qu'on appelle le bras de décharge et qui permet donc de réguler la quantité d'eau qui arrive sur la roue du moulin. [28:23] Là on aperçoit le vannage du canal de décharge donc qui permet de réguler les quantités d'eau qui arrivent sur la roue du moulin et donc éviter qu’il y en ait trop en particulier. L'existence du canal d'alimentation de la roue, du canal de décharge et du canal de fuite fait qu'en fait on se trouve évidemment sur une île.

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Voir aussi
Témoignage de M. Philippe FAJON, archéologue au Service régional d'archéologie, Direction régionale des affaires culturelles de Normandie

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