Témoignage
M. Jean-Christophe BRESSIS
ancien militaire de la Gendarmerie à la brigade fluviale de Grand-Quevilly
Vidéo
Afficher la vidéo en basse définition pour les connexions bas débit
Piste audio
Transcription
Cliquez ici pour afficher / masquer le texte
[00:12]
Jean-Christophe BRESSIS, ancien militaire de la Gendarmerie en poste à la brigade fluviale de Grand-Quevilly (Seine-Maritime) de l'année 1993 à 1996 dans un premier temps, avec une coupure ; je suis revenu en 2002 et je l'ai quittée en 2010.
[00:35]
Le contrôle de la navigation de commerce et de plaisance
Particulièrement chargé dans ses missions de faire de la surveillance du fleuve dans sa généralité entre Le Havre et Vernon comme compétence, en particulier d'effectuer des contrôles sur la navigation de commerce et de plaisance. Navigation de commerce : en particulier les automoteurs, les pousseurs avec barge, enfin ce qui était navigation de gros gabarit en général. La partie vérification / contrôle portait surtout sur la sécurité, avec la particularité des écluses qui se trouvent à Amfreville-sous-les-Monts, où c'était un point de passage obligatoire de l'ensemble de navigation de commerce et de plaisance. Nous faisions ces surveillances à bord d'une vedette d'une dizaine de mètres de long capable d'embarquer quatre à cinq personnels pour effectuer ces contrôles : un pilote et un ou deux personnels chargés du contrôle. Les contrôles se déroulaient de la façon suivante : c'est que nous accostions le bateau de commerce - en particulier - en marche, donc nous nous mettions à couple en navigation, et un militaire débarquait pour aller vérifier l'ensemble des documents et surtout les documents afférant au chargement, parce que il y a eu du transport de sable, du transport de grains, un transport containers, qui s'est énormément développé dans les années 2000, avec l'apparition de bateaux de plus en plus gros et de plus en plus longs. Alors, une journée type de contrôle de navigation : départ de Rouen - Île Lacroix, on appareille, chargement en vivres, matériel et avitaillement, direction l'amont : les écluses. Donc passage par Elbeuf, Elbeuf - Martot, Martot - Criquebeuf, Criquebeuf - Pont-de-l'Arche, Pont-de-l'Arche - Amfreville-sous-les-Monts. Arrêt à Amfreville : souvent c'était le point de restauration du midi, puisqu'on mettait à peu près 3h / 4h pour monter. Et ensuite, une fois la restauration faite, nous remontions après en direction de l'amont, en général jusque les Andelys. On essayait de monter jusqu'aux Andelys mais c'était assez compliqué puisqu'il fallait rester passer une nuit à bord, généralement entre deux. Une particularité dans les contrôles c'est la navigation de plaisance, parce que beaucoup de maires riverains des berges de l'Eure, que ce soit sur la droite ou sur la gauche, se plaignent des gens qui font de la vitesse, qui font un peu n'importe quoi en Seine avec leur bateau (de plaisance, hein je parle de plaisance), qui tractent, qui font du ski nautique dans dans les zones qui sont interdites à la vitesse, qui sont limitées. Donc nous, notre travail était de faire respecter surtout la réglementation de la vitesse et le respect des zones de ski nautique, puisque en Seine on a des anneaux de vitesse qui sont réservés à la vitesse, à la pratique de la vitesse et au ski nautique. En dehors, le ski nautique est interdit. Donc le propriétaire qui a une maison qui est en dehors doit se rendre sur l'anneau de vitesse, à la vitesse prescrite, avec son skieur à bord. Et ce qui se passait beaucoup, c'est qu'ils partaient de chez eux avec le skieur, pour aller sur l'anneau de vitesse. Donc c'était récurrent les pointes de vitesse en Seine.
[04:26]
Le contrôle des chasseurs et des pêcheurs
Une de nos multiples missions sur cette partie amont de la Seine on va dire, c'était aussi le contrôle des chasseurs et des pêcheurs. La Seine-amont a beaucoup de lots de pêche qui sont attribués à des pêcheurs professionnels ou particuliers, donc nous étions amenés à vérifier : déjà la possession du permis, et surtout l'autorisation de pêcher dans le lot, parce que les lots étaient bien définis, zonés (on avait une carte avec tous les lots), et donc chaque lot était destiné à une personne, et non pas à d'autres personnes. Et donc certains amateurs de pêche se rendaient en barque (parce que souvent c'était en barque, ou en petit bateau), se rendaient sur les lots et allaient pêcher donc le propriétaire qui n'était pas très content. Les chasseurs : les chasseurs un peu moins parce que souvent ils sont à pied, ils sont sur sur les îles ou sur les bords de Seine, et avec avec la vedette, qui avait quand même un tirant d'eau de 80-90 cm, c'est pas évident d'accoster, de se rapprocher des bords. Donc on les voyait, on arrivait à avoir un dialogue à distance, mais bon souvent c'était toujours les mêmes, c'était les mêmes associations de chasse, ou souvent les propriétaires : les îles sont la propriété (une bonne partie sont la propriété) de certaines personnes. Donc les chasseurs c'était plus quand nous étions avec le zodiac. Là, avec le zodiac, ça nous permettait d'aller, d'accoster n'importe où, et là effectivement on allait contrôler les permis de chasse et s'ils étaient, pareil, sur le lot, et s'ils respectaient les quotas, et surtout ce qu'ils chassaient.
[06:15]
Les plongées subaquatiques
Pour parler plus particulièrement de mon métier au sein de cette brigade fluviale, ma qualification première était celle de plongeur-enquêteur subaquatique. J'étais chargé d'enquêter et de faire des relevés sous l'eau, chose que ne pouvaient pas faire nos camarades à terre puisqu'ils ne voyaient pas ce qu'il y avait dans l'eau. Donc nous étions chargés nous de relever tous les indices, les éléments, preuves, et surtout, recherche de corps, puisque la majeure partie du travail à la brigade fluviale était de rechercher malheureusement les corps tombés en Seine par suicide, accident, et puis souvent (c'est arrivé souvent) c'est de retrouver des corps dans les voitures. Quand on était en enquête (enquête subaquatique), on faisait du sondage en Seine (d'ailleurs beaucoup à Poses, en raison des écluses : un petit peu avant, il y a des cales de mise à l'eau, il y a des accès faciles, et là on a été amené à retrouver pas mal de voitures et donc parfois des corps, ou un corps dedans). Donc ça c'était mon métier premier. Et j'avais une double qualification, c'est que comme je disais tout à l'heure nous étions pilotes d'embarcation, donc habilités à piloter ce bateau afin de pouvoir assurer la sécurité de nos plongeurs et du milieu environnant. [07:44] Concernant le fleuve par lui-même et puis la qualité de l'eau en Seine, avec les années d'expérience et le nombre de plongées effectuées, on va dire que sur depuis les années 1990, période où je suis arrivé et j'ai commencé à plonger en Seine, on dira que la qualité de l'eau de part sa visibilité s'est beaucoup améliorée : l'eau était moins turbide, moins trouble, par période. On avait des périodes de clarté qui allaient de août jusqu'en octobre-novembre, où on avait quand même un bon 50 cm de visibilité sans lumière, à Poses par exemple quand le parlais de la plongée sur le véhicule qui était parti à l'eau : sans lumière artificielle nous avions 50 cm de visibilité, et ça c'est vrai que c'est quelque chose qui c'est très amélioré au fil des années. Même sur la Seine-aval, sur Rouen, avec une lampe à 12 mètres, 12-13 mètres de fond, on arrivait à avoir 50 cm, 1 mètre parfois, de visibilité, c'était quand même pas mal. En temps normal, je dirais qu'en temps normal on était dans le noir total. Même avec une lampe, 20 à 30 cm, et on ne parlait pas de distinguer quelque chose : on voyait le faisceau de lumière, c'est tout. [09:07] Et il nous est arrivé d'effectuer des plongées assez particulières... sur un point très particulier, assez comique d'ailleurs : puisque nous avons été appelés par le personnel des écluses de Poses, parce qu'un monsieur qui souhaitait sortir son bateau de l'eau sur une cale de mise à l'eau avait mal serré le frein à main de sa voiture, et qu'est-ce qui s'est passé quand il a tiré pour remonter le bateau ? Bah c'est la voiture qui est partie avec le bateau et tout à l'eau ! Voilà... Donc plongée effectuée pour repérer la voiture (c'était facile parce que le bateau était en surface : nous avons su localiser la voiture rapidement), localisation, élingage, et sortie de la voiture. Voilà donc une journée pas trop sympathique pour ce monsieur, et une journée assez comique pour nous...!
[10:00]
Les crues
Durant ces années de pilotage, c'est vrai que nous avons été amenés à faire face à des crues, dont une où la navigation était complètement coupée, les quais à Rouen étaient inondés et surtout, chose rare que je n'avais jamais vue, c'est que le barrage au niveau des écluses est entièrement ouvert. C'est-à-dire que tout était ouvert. Et l'eau passait par-dessus. C'est vraiment la plus grosse crue que j'aie pu moi voir durant mes années à la brigade fluviale : ça doit être ça, ces années-là (oui, je suis parti en 1996), 1994-1995, 1996 peut-être, l'année où je suis parti. Mais une crue impressionnante, de débit, de hauteur d'eau, et surtout que l'eau passait au-dessus des portes d'écluse, tout était ouvert pour évacuer la flotte. Alors nous à cette occasion on était amené à faire pas grand-chose, étant donné que nous étions chargés de surveiller que certaines personnes ne naviguent pas sur le fleuve. On va pas dire les gros bateaux, mais les petits bateaux, les petites embarcations, les canoës, les kayaks, parce que c'était dangereux. C'était très très dangereux donc, mais nous-mêmes nous, nous ne naviguions pas. Pas de navigation, tout était fermé, c'était dangereux, très très dangereux. Certains bateaux, au début de crue, pour donner un exemple, en pleine charge, en pleine puissance, faisaient du sur-place, tellement le courant était puissant. Donc ils n'avançaient plus, donc ce n'était même pas la peine d'essayer de naviguer. Parce que dans ces cas-là, même quand la marée est montante (puisqu'on subit les marées du Havre jusqu'à Poses. Là on subit les marées : marée montante, marée descendante). Même quand la marée était montante (donc elle venait du Havre vers Poses), le courant était beaucoup plus puissant que la marée, et donc ça descendait tout le temps. Donc les bateaux n'avançaient plus. D'où l'arrêt de navigation total. De toute façon à Rouen on ne passait plus sous les ponts, donc déjà de ce fait, à Rouen impossible de naviguer, et puis il n'y avait plus possibilité de s'accoster nulle part en toute sécurité.
Mots-clés et témoignages associés
En cliquant sur un mot-clé, vous lancez une recherche de celui-ci dans le recueil.
Communes
Amfreville-sous-les-MontsCriquebeuf-sur-Seine
Martot
Pont-de-l'Arche
Poses
Périodes
1980 à nos joursThématiques
Crues, inondationsNavigation
Ouvrages d'art
Pêche
Plongée subaquatique
Qualité de l'eau
Vie quotidienne
Voir aussi
Témoignage de M. Jean-Claude GIBERT, ancien conducteur des voies navigables aux Ponts et Chaussées de la navigation de la Seine (1957-1995), subdivision d'Amfreville - PosesTémoignage de M. Patrick GOGOL, habitant de Connelles
Témoignage de M. Jean-Luc GRAECHEN, habitant de Saint-Pierre-du-Vauvray