Témoignage
M. Paul FERLIN
hydrobiologiste retraité, représentant de l'association France Nature Environnement
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[00:12] Bonjour je m'appelle Paul FERLIN. Je suis aujourd'hui retraité, mais pendant toute ma carrière je me suis occupé d'eau. Je me suis occupé notamment des rivières de l'ex-Haute-Normandie. Et à ce titre, je connaissais particulier bien le fleuve Seine. De formation, je suis hydrobiologiste. C'est-à-dire que j'étais spécialisé sur l'inventaire de la pollution à partir des êtres vivants qui vivent dans la Seine. Donc je connaissais en particulier les invertébrés aquatiques, hein toutes les larves d'insectes, les vers, etc. Je connaissais également assez bien les peuplements et les populations de poissons qui fréquentent la Seine.
[01:07]
Le barrage de Poses
On est à un endroit qui est quand même assez particulier ici à Poses, puisqu'on est au pied du barrage de Poses, qui est un barrage qui a été construit vers les années 1880. Ce barrage constitue aujourd'hui la limite amont de l'estuaire de la Seine. La Seine se jette dans la Manche à 170km d'ici. Donc c'est un barrage dont le franchissement est difficile notamment pour les espèces qui vivent dans la Seine et depuis l'époque... fin du XIXe siècle, le barrage de Poses a toujours constitué un obstacle à la libre circulation des poissons. En particulier avant les grandes années de pollution et de dégradation des habitats de la Seine, c'était un fleuve qui était fréquenté par des grands poissons migrateurs comme le saumon, la truite de mer. On y trouvait aussi au début du XIXe siècle des poissons comme l'esturgeon. Ces poissons, notamment l'esturgeon, ont disparu depuis quelques décennies, par contre la Seine est toujours fréquentée par les grands salmonidés migrateurs comme la truite de mer ou le saumon. Ils sont aujourd'hui plus ou moins bloqués au pied du barrage et ne peuvent pas regagner facilement leurs aires, leurs sites de reproduction. Ce sont souvent des fonds caillouteux dans des petites rivière affluentes de la Seine. [03:10] Aujourd'hui, on a quand même progressé parce que c'était un blocage complet. On a construit, avec d'autres aménagements parce qu'il y a une centrale hydroélectrique qui a quatre turbines sur Poses, on a construit donc à l'époque, c'était vers les années 1970-1980, une passe à poissons pour accompagner les migrations vers l'amont. Donc ça c'était le premier ouvrage qui a été construit, puis là tout récemment c'est-à-dire l'an dernier, une autre passe a été construite. Donc la première est en rive gauche, la seconde est en rive droite. La deuxième passe a été construite sur l'ouvrage de VNF (Voies Navigables de France) pour permettre donc un meilleur passage des poissons migrateurs. Donc aujourd'hui, on retrouve par exemple de la truite de mer dans des affluents important comme l'Oise. Récemment a été pêchée une truite de mer à une trentaine de kilomètres de la confluence avec la Seine, ce qui montre bien que les poissons remontent maintenant. Ils ne remontent pas comme ils remontaient par le passé, puisqu'il y a d'autres disons perturbations ou altérations de l'habitat, mais les progrès sont certains.
[04:34]
La Seine : un tuyau
Les altérations de de l'habitat sont liés à des aménagements faits pour permettre les activités de l'Homme. En particulier, la Seine est caractérisée depuis avant le XVIIIe siècle par la navigation. Et au fil du temps, c'est-à-dire au XIXe siècle, au XXe surtout, et encore aujourd'hui, il y a des aménagements qui sont conduits pour faciliter la navigation. Ces travaux consistent essentiellement à l'endiguement et au creusement du chenal de navigation. Alors on est parti depuis le XVIIe siècle disons d'un tirant d'eau qui pouvait parfois aller à 2-3m, pas plus, avec des sections qui étaient beaucoup plus profondes, pour se retrouver aujourd'hui avec un canal calibré dont le tirant d'eau jusqu'à Rouen est de 11m70. Donc il y a eu vraiment un très fort creusement et un bouleversement des habitats, c'est-à-dire qu'on a fait de la Seine en fait un tuyau pour faciliter en fait la navigation, faire remonter de plus gros navires. Mais en faisant ça aussi, on a provoqué disons un besoin d'entretien quasiment permanent du chenal de navigation. C'est-à-dire que que pour permettre le passage en continu des bateaux aussi bien à la remontée qu'à la descente, les gestionnaires, c'est-à-dire les ports, sont obligés de draguer les sédiments qui se déposent dans ce chenal. Ça représente aujourd'hui, quand on regarde tous l'estuaire, entre 5 et 6 millions de tonnes par an. C'est quand même énorme. Ces dragages sont soit déposés à terre dans des chambres de dépôt, soit maintenant un peu réutilisés d'autre par, parce que souvent c'est du sable, du sable coquillier, des produits de ce type, et qui peuvent être réutilisés dans le BTP par exemple. Bon, et le reste, c'est-à-dire la majorité, notamment sur la partie aval où on retrouve essentiellement du sable, est clapé en mer. C'est-à-dire, il y avait deux points de clapage récents encore qui étaient géré par le port de Rouen, puisque le chenal est entretenu par le port de Rouen, qui étaient le site du Canik et là récemment il a été abandonné, un nouveau site a été mis en service, qui s'appelle Machu. Le port du Havre, qui est aussi à l'extrême fin de l'estuaire a également sa problématique de dragage, mais qui concerne essentiellement disons la mer proche. C'est-à-dire que le port du Havre maintenant, est toujours obligé d'entretenir son chenal de navigation pour que les bateaux puissent rentrer au port et sortir du port. Il est également contraint maintenant, puisqu'il y a eu une extension importante du port du Havre avec Port 2000, d'entretenir aussi le Port 2000 en draguant et en clapant également les sédiments dragués sur un site qui s'appelle Octeville. [08:33] Les habitats ont donc été complètement dénaturés par ces changements morphologiques de la section mouillée. Ça a causé la disparition de nombreux habitats qui étaient favorables à l'installation de la faune et du poisson, qui pouvait dans certains cas effectuer complètement son cycle biologique dans la Seine. Mais aujourd'hui, ça n'est plus possible complètement. Alors il reste un peu sur les bords de Seine des banquettes qui sont en fait les vestiges des habitats qui existaient autrefois dans la Seine. Quand on regarde sur les trois derniers siècles, on a vu en fait la Seine se transformer complètement d'un point de vue linéaire. C'est-à-dire qu'il y avait des méandres, il y avait de nombreuses îles, il y avait des bras secondaires : tout cela a quasiment disparu. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on a quasiment un tuyau, qui donc permet certes les activités humaines, mais qui a été très préjudiciable à l'environnement en général. [09:54] Du fait des travaux, on a supprimé des phénomènes naturels qui existaient comme le mascaret, qui remontait jusqu'à Caudebec avec l'onde de la marée. Alors la marée se fait sentir jusqu'à Poses, c'est pour cela qu'on a mis le barrage à cet endroit, où le marnage, c'est-à-dire la différence de niveau entre la pleine mer et la basse mer, est de l'ordre de 20 à 30cm. Alors que sur l'aval il est de quelques mètres. Pour des raisons de navigation, il a bien fallu, parce qu'on avait des profondeurs qui était insuffisantes, largement, pour que la navigation des bateaux plus gros soit possible. Le mascaret était un phénomène d'onde de marée qui rentrait dans l'estuaire, et le fait d'avoir transformé le chenal naturel en un tuyau, le mascaret a disparu. C'est-à-dire qu'on n'a plus ce phénomène de survague lié ç l'intrusion de la mer. Léopoldine Hugo : c'est une des causes de son décès, c'est-à-dire que l'embarcation sur laquelle ils avaient pris place a été retournée à l'issue du mascaret. Alors le mascaret avait quand même, enfin le fonctionnement naturel de l'estuaire avait quand même pas mal d'avantages, puisqu'il procurait en fait des gradients de salinité, des gradients de matières en suspension, de trouble de l'eau, qui étaient progressifs. Donc la salinité remontait quasiment jusqu'à Caudebec, on avait un fonctionnement naturel qui permettait aux espèces de passer progressivement de l'eau de mer à l'eau douce. Alors que aujourd'hui, les choses sont beaucoup plus contraintes.
[12:06]
Le changement climatique
On a aujourd'hui maintenant une problématique qui vient se surajouter à cette altération morphologique de la Seine : c'est la problématique du climat, et les conséquences prévisibles de l'élévation du niveau de la mer sur l'écoulement et les débordements de la Seine. Aujourd'hui on ne sait pas également précisément cerner quelles seront les conséquences, et il est certain qu'il y en aura, notamment en termes d'élévation des plus hautes eaux, mais aussi à l'inverse en termes de plus basses eaux, puisque le débit de la Seine sera affecté par les conséquences du changement climatique. C'est-à-dire qu'on est sur un fleuve aujourd'hui qui est assez régulé. Il collecte en fait une pluviométrie qui tombe sur un bassin versant qui fait de l'ordre de 79 000km², c'est pas rien. La Seine prend sa source sur le plateau de Langres... la Seine en tout ça doit faire 780km à peu près... 775. On est à 170km doc de l'estuaire ici. Son débit à Poses est en moyenne sur l'année de l'ordre de 400 mètres cube par secondes. Le débit de crue, il est supérieur à 2000 mètres cubes seconde et les débits d'étiage (l'étiage, ce sont les périodes de débits les plus faibles), ils sont de l'ordre d'une bonne centaine de mètres cube seconde. Avec le changement climatique, la répartition des pluies et les intensités de pluies vont être modifiées. C'est-à-dire qu'on aura probablement des périodes pluviométriques comme aujourd'hui beaucoup plus fortes, de type orageux, mais à l'inverse on aura des périodes de sécheresse qui seront donc beaucoup plus longues, ce qui fait que les d"bits de crue risquent d'augmenter, ponctuellement, mais les débits d'étiage risquent aussi de sérieusement diminuer. Donc on est face à ce type de problème dans quelques décennies. [14:59] On parle de biologie, là, de biodiversité, mais les conséquences seront également difficiles en matière de changement de débit et d'inondations, c'est clair. On aura probablement, lors des périodes de forte intensité, un renforcement des inondations, avec l'élévation du niveau de la mer et l'intrusion aussi qui sera plus forte des eaux marines, on aura également des phénomènes de surcote. C'est-à-dire qu'on ira au-delà des cotes aujourd'hui connues, donc avec des débordements dans le lit majeur. Donc aujourd'hui, les solutions qui sont proposées, qu'on commence à mettre en œuvre sans toutefois aller au bout du raisonnement, c'est de se préserver de ces futures montées des eaux. Donc il s'agit en fait de refaire les aménagements ou l'occupation du lit majeur puisque souvent on vit dans le lit majeur, dans des endroits où on sera moins touché.
[16:12]
La disparition et le retour des espèces
La disparition des espèces est liée bien entendu à la modification des habitats, mais elle est essentiellement due, à la période des années 1950-1970, à l'intense pollution qui régnait dans les hauts de la Seine. Rapidement... On voit, on est face au barrage de Poses. À l'époque où j'ai pris mes activités, il était fréquent de voir au barrage de Poses des mètres de hauteur de mousse, qui était liée donc à la présence de détergents en excès dans les eaux. Donc ça faisait des mousses qui volaient, jusqu'à plusieurs centaines de mètres en aval du barrage de Poses. Autre aspect de cette pollution qui était liée essentiellement ici à la région parisienne, puisqu'on est le réceptacle à Poses de la région parisienne, c'est-à-dire qu'il y a entre 17 et 21 millions d'habitants qui se déversent dans la Seine... et à l'époque donc, vers les années 1950-1960, l'épuration n'était que peu développée et les rendements épuratoires des stations d'épuration qui étaient en place ne permettaient pas de conserver une qualité correcte des eau de la Seine. Donc il était fréquent à cette époque d'avoir ce qu'on appelle des anoxies : il n'y avait plus d'oxygène dans la Seine. Il y avait donc un excès de matière organique, un excès d'ammoniac, qui faisait que l'eau était toxique pour la plupart des êtres vivants. En plu, d'un point de vue microbiologie, c'était une qualité d'eau qui ne permettait absolument aucun usage. [18:26] Il a été, dans le cadre d'objectifs de qualité, progressivement mis en place des stations d'épuration, notamment sur la région parisienne, pour améliorer cette qualité. Et cette qualité s'est améliorée progressivement à partir des années 1970. La loi sur l'eau, elle date de 1964, qui a décidé de l'inventaire national de la pollution et de la lutte contre la pollution. Et c'est réellement vers les années 1970 qu'on a commencé à prendre le taureau par les cornes, à fixer des objectifs de qualité. Alors, il y a eu des investissements très très lourds qui ont été réalisés sur la région parisienne, sur pas mal de grosses agglomérations qui sont situées sur des affluents, qui ont permis donc d'améliorer significativement la qualité des eaux, notamment vis-à-vis de l'oxygène. Vers les années 1950-1960, il n'était pas rare (on l'a connu aussi malgré tout dans les années 1970... des accidents) de voir du poisson mort. Plusieurs tonnes, je me souviens des dernières grosses pollutions vers les années 1970-75, où on avait des dizaines de tonnes de poissons morts qui dérivaient sur la région de Rouen, etc. Et ces mortalités énormes prouvaient déjà qu'il y avait encore du poisson dans la Seine, mais prouvaient que la qualité n'était pas suffisante. [20:07] Au fil des investissements, on est arrivé maintenant vers les années 2000-2010 à retrouver une qualité d'eau satisfaisante ("satisfaisante" je dis bien) des eaux de la Seine, qui permet de nouveau une vie normale de la majorité des espèces de poissons qu'on trouvait il y a quelques temps dans dans la Seine. La majorité des espèces vit, mais elle n'accomplit pas forcément la totalité du cycle biologique. Aujourd'hui, on a plus d'une quarantaine d'espèces de poissons dans la Seine, c'est quand même un signe encourageant. On a également retrouvé des espèces emblématiques, puisque à nouveau, et notamment dans la passe à poissons de Poses, on voit passer de la truite de mer, on voit passer quelques saumons, on voit passer de l'anguille. Alors l'anguille est une espèce protégée aujourd'hui par un règlement européen. Ce sont des signes encourageants, qui font qu'il ne faut pas s'arrêter aujourd'hui en si bon chemin, il faut continuer à progresser pour que ces poissons notamment puissent redérouler leur cycle biologique normalement. En termes de déroulement de leur cycle biologique, par exemple les poissons blancs, les cyprinidés d'eau douce, ils n'ont plus de conditions de reproduction parce qu'ils ne trouvent plus les habitats sur lesquels ils se reproduisent habituellement. C'est-à-dire qu'ils pondent par exemple sur des végétaux, eh bien le fait que les vitesses soient très élevées, que le trouble de l'eau soit important, fait qu'ils ne peuvent plus se reproduire. En fait, elles n'ont pas disparu complètement malgré la pollution, c'est-à-dire qu'il y a des populations qui se sont réfugiées dans des endroits qui étaient disons acceptables pour eux. Alors c'est lié aussi au fait qu'il y a toujours quelques communications avec des des annexes fluviales, il y a des communications aussi avec des gravières qui ont été créées pour exploiter du granulat, il y a aussi le fait que ces espèces se réfugiaient aussi dans les affluents moins pollués, et donc à partir de tous ces endroits, ils ont essaimé à nouveau dans la Seine où, retrouvant des conditions meilleures, ils ont pu croître en biomasse.
[23:01]
Des espèces nouvelles
En espèce nouvelles, les peuplements de la Seine sont en fait des peuplements liés à l'histoire de la Seine. C'est-à-dire que le nombre d'espèces a augmenté au fil du temps avec notamment les activités humaines, les aménagements urbains qui ont permis le transfert de certaines espèces vers la Seine. On a également par ce même biais introduit des espèces non indigènes dans l'estuaire de la Seine. On avait à une époque des proliférations d'une moule qui s'appelle Dreissena polymorpha, la moule zébrée, qui était très importante sur la Seine, et on se rendait compte de ces populations quand l'oxygène tombait à zéro parce qu'elles mouraient toutes. En espèces nouvelles, il y en a, malheureusement. Il y a des espèces non indigènes qui arrivent aujourd'hui par la mer. Ce sont des espèces amphihalines, ça veut dire que ce sont des espèces qui tolèrent les milieux salés et les milieux d'eau douce, donc qui voyagent dans cette zone. On a des espèces donc non indigènes exotiques qui commencent à s'installer au détriment d'autres espèces et qui occupent aussi les habitats résiduels des espèces indigènes. Alors c'est un des soucis du changement climatique, puisque en dehors des variations de débit il y aura aussi des modifications de la salinité liée à l'intrusion saline qui ne se fera plus de la même manière, il y aura aussi de nouvelles espèces liées aux changement de température : on parle là des poissons, on peut parler aussi de la même manière des invertébrés, on peut parler aussi de la même manière de la flore. Les comportements seront similaires. Malheureusement, on est assez démuni. Aujourd'hui, on n'a pas de solution pour limiter l'implantation des nouvelles espèces, d'autant plus que dans le contexte économique mondialisé on a de nombreux bateaux qui viennent de l'extérieur qui viennent chez nous, qui font du déballastage, etc. et on se retrouve avec des espèces qu'on n'avait jamais vues, et qui sont vraiment exotiques. Dans le port du Havre, je connais une association qui s'appelle Port vivant, qui est spécialisée dans les inventaires d'espèces invertébrées dans les bassins du port du Havre : ils trouvent de plus en plus d'espèces non-indigènes. On a par exemple du crabe chinois à Rouen. Dans les bassins du port. C'est quand même assez étonnant. Il est là. On a aussi une gobie (en fait c'est un chabot, c'est un poisson de mer), qui est arrivé, c'est la gobie à taches noires, qui est un poisson prédateur qui mange le frai des autres poissons. On en a à Rouen. On n'a pas de de solution aujourd'hui pour limiter ces nouvelles implantations. Bah aujourd'hui on laisse faire. Il est clair qu'on laisse faire. Il y aura probablement des régulations, des auto-régulations, comme en milieu terrestre, on voit que certaines espèces non-indigènes se régulent au fil du temps, alors il faut espérer que ça se passera également pour des espèces indésirables. Les solutions qu'on recherche aujourd'hui, c'est des solutions plutôt d'atténuation des conséquences.
[27:43]
La pollution industrielle de l'eau
L'aménagement de la Seine et les activités humaines, le commerce, etc. on fait que, à partir du XIXe siècle, se sont implantées de nombreuses activités industrielles. La Seine était caractérisée au XXe siècle par de nombreuses industries très polluantes. Sur l'estuaire, on avait des par exemple des grosses papeteries. On avait des fabrications d'engrais, toute la pétrochimie, avec les autres les autres industries qui ont liées à la pétrochimie donc on avait par exemple l'industrie du plastique qui s'est développée fortement et des dérivés du pétrole. Tout cela, ça a causé de nombreuses pollutions qu'il a fallu diminuer progressivement. C'était vers les années 1970. On avait un état de pollution industrielle en Seine... dont aujourd'hui il reste des traces. On a toujours en estuaire de la Seine des pollutions historiques rémanentes. On a des masses d'eau, les masses d'eau souterraines par exemple, au niveau de Rouen, sont atteintes fortement par la pollution industrielle historique. On a un bel exemple, c'est que les forages de la Chapelle par exemple, qui alimentent une partie de Rouen en eau potable, sont précarisés par le fait qu'il y a des pollutions résiduelles dans la nappe, qui est prélevée pour faire de l'eau potable. Là ce sont des usines qui faisaient des engrais, des produits chimiques, on avait en particulier là en aval des produits phytosanitaires, pesticides, etc., des colorants, et c'est une des causes de la pollution des captages de la Chapelle. Toutes ces pollutions ont régressé parce qu'à partir des années 1970 on a mis en place des stations d'épuration adaptées. Parce que à chaque type de pollution, il y a une station d'épuration. Néanmoins, il n'est jamais possible d'épurer complètement les eaux usées industrielles et il y a toujours des traces de contaminants dans les rejets même épurés. C'est identique pour les eaux domestiques hein. Les rejets qui étaient effectués à l'époque ont contaminé notamment les sédiments. Il y avait aussi de l'industrie métallurgique qui faisait des traitements de surface, y compris sur certains affluents, et les sédiments de la Seine vers les années 1970-1980 étaient fortement contaminés. Fortement. C'est-à-dire que les valeurs par exemple en métaux lourds que l'on trouvait dans les sédiments de la Seine faisaient que ces sédiments ne pouvaient être utilisés à aucune autre chose quand on les draguait. Ce qu'il faut savoir, c'est qu'on a clapé pendant une époque ces sédiments en mer... Et après il ne faut pas s'étonner qu'aujourd'hui on a une chaîne trophique notamment des poissons qui soit encore contaminée dans la Seine. [31:53] Par exemple sur la Seine, dans l'estuaire il est encore interdit de pêcher l'anguille pour la consommation, la sardine est également touchée. Il faut le savoir. Ils sont touchés notamment par des métaux, mais également par des composés organiques comme les polychlorobiphényles (PCB). Les PCB venant des sédiments ont contaminé toute la chaîne trophique et cette contamination et accumulation rendent impropre la chair de poisson à la consommation. L'accentuation est liée à l'augmentation de la production. Prenons un exemple : on avait l'Aubette dans le centre de Rouen (ça débouche face à la Région, du côté du CHU). L'Aubette encore vers les années 1970, c'était très contaminé par les blanchisseries, ça changeait de couleur, mais également par une industrie qui était très polluante, qui était la tannerie. Au XVIe ou au XVIIe siècles on a fait aussi de la tannerie, mais les quantités traitées été beaucoup moindres. Plus on a augmenté la production, plus on a pollué. Les progrès en matière de dépollution industrielle ont été remarquables. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, par rapport aux années 1970, la contamination des sédiments de la Seine est sous les seuils réglementaires. C'est quand même des progrès exceptionnels. Alors c'est dû à plusieurs choses : bien sûr on a épuré, mais également on a délocalisé de nombreuses activités vers l'étranger, où la pollution sévit maintenant. En 1970, les rivières de Rouen, affluentes de la Seine, étaient toutes colorées. J'ai connu le Cailly passer du bleu au rouge, toutes les couleurs. Le Cailly, il y avait des industries textiles qui faisaient de la teinture, et donc au fil du temps on voyait la couleur des eaux du Cailly changer en fonction des bains de teinture qu'on déversait. Tout ça, c'est fait au Maroc ou maintenant encore plus loin. [34:31] En fait, la Seine, à l'entrée du département de l'Eure, bah c'est la Seine en aval de Paris. Sa qualité dépend directement de Paris. Quand il se passe quelque chose à Paris, les eaux de la Seine qui rentrent dans le département de l'Eure sont marquées... C'est là où les progrès sont vraiment considérables, parce que maintenant on peut dire que, sauf temps de pluie, les 17-18 millions d'habitants de l'agglomération parisienne sont épurés ; à des niveaux qui sont suffisants pour garantir une qualité d'eau dans le département de l'Eure. Bien entendu, on ne peut pas encore s'y baigner. Et je pense qu'il n'est pas envisageable qu'on s'y baigne pour les Jeux Olympiques... Il faudra je pense quelques dérogations pour qu'on puisse s'y baigner. Alors pourquoi ? C'est que on épure bien, bien sûr, mais compte tenu des dysfonctionnements des stations d'épuration liés à la pluviométrie, on a des débordements toujours d'eaux usées non traitées. À Paris ça se passe encore et les volumes déversés sont tels que la dilution n'est pas suffisante pour assurer une bonne qualité. Dans le département de l'Eure, on a quand même quelques pollutions assez importantes. Au niveau de Vernon on a quelques pollutions importantes qui sont liées toujours à l'industrie, à l'agglomération aussi de Vernon, mais l'essentiel des pollutions que j'ai connues sur le département de l'Eure et les affluents de la Seine venaient principalement de rivières comme l'Iton, qui passe à Évreux. Là on avait sur Évreux notamment des traiteurs de surface, des usines qui traitaient des métaux, souvent des métaux précieux, et ont retrouvait en particulier dans les eaux et les sédiments de l'Iton des métaux comme le cadmium, le nickel, le chrome, le zinc... Et bien entendu, avec le charriage des sédiments de l'amont vers l'aval on retrouvait tout ça en Seine. Alors ça passait aussi par l'Eure (la rivière Eure), qui est également une rivière qui n'est en état exceptionnel, depuis en fait la région de Chartres, Dreux, puis le Vaudreuil, où il y a aussi pas mal d'industries. Mais globalement sur la rivière Eure, ça s'est amélioré comme pour la Seine. Donc on est dans la bonne direction. Si je pouvais prendre une image : vers les années 1970 vraiment la qualité était très mauvaise.Aujourd'hui elle est moins mauvaise. Mais on reste toujours quand même dans un état qui n'est pas conforme aux objectifs qu'on s'est fixés.
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